Ensemble Scolaire Edmond Michelet à Brive

TQ2 L’approche en termes de classes sociales demeure-t-elle pertinente pour rendre compte de la structuration de la société française actuelle ?

Dissertation s’appuyant sur un dossier documentaire

Il est demandé au candidat :

– de répondre à la question posée par le sujet ;

– de construire une argumentation à partir d’une problématique qu’il devra élaborer ;

 – de mobiliser des connaissances et des informations pertinentes pour traiter le sujet, notamment celles figurant dans le dossier ;

– de rédiger, en utilisant le vocabulaire économique et social spécifique approprié à la question et en organisant le développement sous la forme d’un plan cohérent qui ménage l’équilibre des parties.

Il sera tenu compte, dans la notation, de la clarté de l’expression et du soin apporté à présentation.

SUJET

Ce sujet comporte quatre documents.

L’approche en termes de classes sociales demeure-t-elle pertinente pour rendre compte de la structuration de la société française actuelle ?

Lecture : compte tenu des niveaux de mortalité mesurés entre 2009 et 2013, un homme cadre de 35 ans pouvait espérer vivre en moyenne encore 49 années, soit jusqu’à 84 ans au total.

Lecture : En 2016, le salaire mensuel moyen net des femmes cadres en équivalent temps plein était inférieur de 20,6% par rapport aux hommes cadres dans la même situation.

Document 3 

Eléments de correction : 

Analyse du sujet :

  • Montrer que le concept de classe sociale garde une certaine pertinence pour analyser la structure sociale en France aujourd’hui. Certaines évolutions récentes et caractéristiques actuelles rendent le concept pertinent pour décrire la structure sociale.
  • Montrer que ce concept a perdu de sa pertinence. Certaines évolutions récentes et caractéristiques actuelles font perdre de sa pertinence au concept.

Raisonnement possible :

  • INTRODUCTION
    • Accroches possibles :
      • Lutte des ouvriers chez Heineken en ce moment qui laisserait penser que la conscience de classe et la lutte des classes n’ont pas disparu et donc que la définition de Marx pourrait être pertinente pour analyser la situation actuelle.
      • Partir d’une citation, par exemple extrait du manifeste du Parti communiste de Marx et Engels « l’histoire de toute société est l’histoire de la lutte des classes ».
      • Partir des analyses en termes de moyennisation pour poser la question de la disparition des classes qui rendrait le concept non pertinent pour analyser la société actuelle.
    • Définition des termes du sujet :
    • Problématisation : Les places respectives des catégories populaires et des membres de la bourgeoisie dans les rapports de production demeurent-elles caractéristiques ? Les inégalités ne continuent-elles pas à structurer la société en groupes sociaux hiérarchisés ? Peut-on repérer des groupes sociaux qui ont une réelle conscience de classe ? Existe-t-il encore des classes mobilisées ? Ne voit-on pas émerger de nouveaux facteurs de différenciation sociale qui viendraient brouiller l’analyse en termes de classes sociales ?
    • Annonce de plan

 

Exemple d’introduction :

Dans toute société, il existe « une répartition inégale des biens, du pouvoir et des signes exprimant le statut » (G. Balandier, 1974). La stratification sociale est tout système de différenciation sociale fondé sur la distribution inégale des ressources (pouvoir, richesse, prestige, savoir). Depuis le XIXème siècle, il existe différentes théories qui analysent les classes sociales. La théorie marxiste permet-elle encore aujourd’hui de mieux analyser la structure sociale ? Les trois ordres de Weber sont-ils encore d’actualité ? L’évolution récente de la société caractérisée par la tertiairisation et la montée de l’individualisme remet-elle en cause la pertinence reconnue des théories des classes sociales ? Après avoir présenté différentes caractéristiques de la société actuelle qui semblent rendre le concept de classe sociale moins pertinent, nous verrons qu’il reste tout de même un outil pertinent pour comprendre la société actuelle.

 

Proposition de plan :

I – Certaines caractéristiques de la société actuelle semblent rendre le concept de classe sociale moins pertinent pour analyser la structure sociale…

     A-La tendance à la moyennisation brouille les frontières de classe

  • Rappeler que cette analyse en termes de moyennisation (H. Mendras) était davantage appropriée à la société des Trente glorieuses.
  • Réduction des inégalités de consommation (consommation de masse) + massification scolaire + augmentation des effectifs des PCS les plus qualifiées.
  • Idée que l’essentiel des salariés pourrait être regroupé dans une vaste classe moyenne.

Donc affaiblissement des écarts entre les groupes sociaux. Les critères objectifs permettant de définir une classe sociale semblent moins facilement repérables.

     B- La tendance à s’identifier aux classes populaires s’affaiblit

  • Perte de la fierté ouvrière. Affaiblissement des partis et syndicats censés représenter la classe ouvrière. Il est donc plus difficile de parler de classe pour soi. En 2015, 35 % des individus interrogés déclarent n’appartenir à aucune classe sociale, selon une enquête de TNS-Sofres (document 3). Ce déclin de la conscience de classe est particulièrement fort dans les milieux populaires : en 2015, seuls 6 % des individus revendiquent leur appartenance à la classe ouvrière, soit une proportion presque 4 fois inférieure à celle de 1966 (document 3)

    C- L’émergence de nouveaux facteurs de différenciation sociale complexifie l’analyse de la structure sociale.

    • Age, genre, minorités visibles, statut de l’emploi : facteurs de différenciation internes aux différents groupes sociaux et qui traversent les différents groupes sociaux.
    • Augmentation de la distance intraclasse. Des clivages internes au sein des classes sociales ont affaibli leur homogénéité. Au final, la réduction des distances inter-classes dans certains domaines se combinent avec un accroissement des distances intra-classes.

Ils feraient perdre de sa pertinence à l’analyse en termes de classes sociales.

  • Les mobilisations proviennent de nouveaux motifs, d’appartenance et de préférences individuelles : conflits pour l’égalité entre genres, pour la reconnaissance des minorités, pour l’égal accès aux droits fondamentaux, pour l’environnement. La lutte des classes n’est pas pertinente pour analyser ces conflits.

 

C’est la place dans les rapports économiques de production qui définit l’appartenance à la classe sociale chez Marx : les ouvriers vendent leur force de travail aux propriétaires capitalistes, qui détiennent des moyens de production. Sa vision des classes sociales est relationnelle et conflictuelle : c’est dans l’opposition et la lutte que se forge la conscience de classes, la conscience d’appartenir à une classe. Nous verrons que dans notre société actuelle, subsistent encore des inégalités fortes entre les catégories sociales, que la conscience de classe existe encore, que certains se battent encore pour défendre leurs intérêts propres.

 II- … mais ce concept reste un outil important pour comprendre la structure sociale

       A- La bourgeoisie demeure une classe en soi et pour soi

    • Forts patrimoines

Entre-soi des membres de la haute bourgeoisie qui est une stratégie de mobilisation : Transmission de capital social et capital culturel dès l’enfance.

Capacité à se mobiliser pour défendre ses intérêts (document 3).

       B-Les inégalités continuent de structurer la société en groupes hiérarchisés

    • Il existe encore de grandes inégalités d’espérance de vie selon les catégories socio-professionnelles. Un ouvrier de 35 ans a 6 ans de moins d’espérance de vie qu’un cadre de sa génération. L’écart est encore plus grand avec les inactifs. En 2009-2013, un inactif de 35 ans avait une espérance de vie de 78 ans alors qu’un cadre pouvait espérer souffler sa 84ème bougie (document 1).
    • Rappeler que les inégalités sont cumulatives : logement, santé, revenu, patrimoine, culturelles, etc. Document 4 : inégalités de patrimoine. · Préciser que les inégalités ont au minimum cessé de se réduire depuis trente ans, voire même recommencent à se creuser.

Critères objectifs permettant de définir une classe sociale demeurent repérables.

       C- La place des catégories populaires dans la structure sociale demeure caractéristique et elles n’ont pas perdu toute conscience de classe

    • Place caractéristique dans les rapports de production : ouvriers + employés = salariat d’exécution. Peu d’autonomie, peu de prestige. Exposés au chômage et à la précarité. Rapport précaire à l’avenir. Donc intérêts communs à défendre. (Document 4)
    • Forte reproduction sociale : développer analyse en termes de capital culturel, la question de l’école.
    • Conscience de classe et mobilisation persistent. La conscience de classe n’a pas totalement disparu. Une grande partie de la population exprime toujours le sentiment d’appartenirà une classe sociale : c’est le cas de 65 % des individus interrogés en 2015 dans l’enquête TNS-Sofres. Ce chiffre a même tendance à augmenter ; il s’élevait à 61 % en 1966. (Document 3)

En effet, les cadres et professions intellectuelles supérieures ont en moyenne un salaire 2,4 fois supérieur à celui des ouvriers. Par ailleurs, ces inégalités économiques sont aussi sociales. En effet,

Exemple de conclusion :

Certaines évolutions depuis les Trente glorieuses – moyennisation, nouveaux critères de différenciation, affaiblissement de la conscience de classe et des mobilisations – ont pu laisser penser que l’analyse en termes de classes sociales n’était plus pertinente pour étudier la structure sociale. Mais la persistance d’inégalités cumulatives – voire leur creusement depuis une trentaine d’années – ainsi que la reproduction sociale permettent de mettre en évidence l’existence d’une hiérarchie entre groupes sociaux. Il existe donc toujours des critères objectifs permettant de repérer des classes en soi à partir d’une même place dans les rapports de production (K. Marx), par le fait que leurs membres partagent une situation économique et des chances de vie communes (M. Weber) ou par une même place dans l’espace social (P. Bourdieu). Par ailleurs, les membres de la bourgeoisie continuent d’avoir une réelle conscience de leurs intérêts communs et savent se mobiliser pour les défendre : ils forment donc une classe pour soi au sens de K. Marx, c’est-à-dire une classe mobilisée qui agit comme un acteur collectif. Cependant, ce recul de la dimension politique des classes sociales n’est-il qu’une parenthèse ? D’après L. Chauvel, la situation actuelle se caractérise par une aggravation des inégalités qui pourrait déboucher vers un renouveau des « identités de classe », donc d’une conscience de classe partagée par tous les perdants du système économique et social actuel.