Les évolutions de l’organisation du travail

OA : Comprendre les principales caractéristiques des modèles d’organisation taylorien (division du travail horizontale et verticale, relation hiérarchique stricte) et post-taylorien (flexibilité, recomposition des tâches, management participatif)


 

Nature de la ressource :

  • Objet (vidéo, document, animation flash…)
  • Séance

 

Textes, vidéos, QCM
Lien avec le programme (niveau, enseignement, thème) Terminale; Quelles mutations du travail et de l’emploi ?
Notions Taylorisme, division du travail, management participatif… Cf OA
Compétences Capacité de synthèse, de structuration, Capacité orale
Circonstances:(classe entière, TD, travail en autonomie) Travail en binôme hors classe ou TD.
Objectifs pédagogiques Préparation au Grand Oral
Pré-requis nécessaires : Aucun
Déroulé de la séance : 1. travail de préparation hors classe

2. Exposé de 10/15 min en classe

3. Validation des acquis et remédiation en fonction des réponses des élèves. Au choix :

  •  test (Socrative, La Quiziniere…) en classe entière (https://www.quiziniere.com/#/PartageExercice/W5RWY896GZ)
  • En quoi les organisations post-tayloriennes se distinguent-elles des organisations tayloriennes ?

 

1.  les caractéristiques des modèles d’organisation avant Taylor

 

 

Le travail avant Taylor :

Question : Quelles sont les caractéristiques du travail avant la mise en place du Taylorisme ?

 

 

« Le point de départ de Taylor est double : d’une part, il constate «la flânerie» des ouvriers, motivée à la fois par un penchant naturel à la paresse et par la stratégie des directions profitant du progrès technique pour augmenter le rendement au lieu d’inciter, par la hausse des salaires, à l’accroissement de la productivité. D’autre part, il remarque le rejet de l’ouvrier faisant preuve de zèle par ses confrères. »

Marc Mousli, Alternatives Economiques n° 251 – octobre 2006

 

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[su_spoiler title= »Pour aller plus loin … Zoom F. Taylor » style= »fancy » icon= »caret-square »]

 

Frederick Winslow Taylor naît à Germantown (Pennsylvanie) le 20 mars 1856. Sa jeunesse, au sein d’une famille de forte tradition quaker, n’est pas une partie de plaisir. Il reçoit une éducation rigoureuse basée sur le travail, les exercices physiques et la discipline. Bon élève, le jeune Taylor n’en oublie pas le sport. Il pratique à un haut niveau le base-ball et le tennis. Il est aussi un bricoleur hors pa

ir. Ainsi, il confectionne sa propre raquette de tennis en vue d’accroître ses performances. En 1872, il prépare le concours d’entrée à Harvard, mais un problème de santé vient bousculer ses plans. Il change d’orientation et intègre un atelier pour apprendre le dessin et la mécanique. A 22 ans, il entre aux aciéries de Midvale. Il s’y ennuie profondément et décide de suivre des cours du soir pour décrocher un diplôme d’ingénieur. Son ascension est alors fulgurante. En l’espace de six ans, il devient ingénieur en chef de l’usine.

A 37 ans, une nouvelle carrière s’ouvre à lui : celle d’ingénieur consultant. Voici venu le temps de ses premières publications ( A Piece of Rate System , 1895) et des premières interventions. En 1898, la Bethlehem Steel Company fait appel à lui pour réduire les coûts. Taylor réorganise la production, la gestion financière et la gestion des temps en chronométrant toutes les tâches. L’OST (organisation scientifique du travail) en gestation soulève déjà la révolte des ouvriers. Taylor est congédié en 1901. Il se met à écrire : Shop Management en 1904, les fameux Principles of Scientific Management en 1911, et il donne des conférences à travers le monde pour vanter les mérites de son OST. Mais il se heurte à une forte résistance, notamment syndicale, qui impulse une commission d’enquête sur les effets du « système Taylor ». En 1915, il est hospitalisé. Motif : dépression. La mort l’emporte à 59 ans, sa montre à la main, selon la légende.[/su_spoiler]

 

2. L’ organisation Scientifique du Travail

Document : « La Midvale Steel lui donne l’occasion d’expérimenter ses idées en lui confiant la conception et l’installation d’un nouvel atelier d’usinage. Il (Taylor) se lance dans l’étude des temps de travail. Ce n’est pas une nouveauté: le chronométrage des opérations de production était déjà pratiqué. Mais Taylor va au-delà. Il effectue de véritables analyses des tâches et met au point la méthode qui le rendra célèbre: il choisit de bons ouvriers, leur demande d’exécuter la même opération, décompose chacun de leurs mouvements, compare leur efficacité et reconstruit la meilleure façon d’opérer -« the one best way » – en enchaînant les gestes permettant d’abattre leplus de besogne rapidement et avec le moins de fatigue possible. C’est la base de la révolution taylorienne: le bureau des méthodes prend le contrôle du poste de travail et ne laisse à l’ouvrier que le soin d’exécuter ce qui a été conçu par les ingénieurs. Les tours de main, l’expérience de l’homme de métier perdent beaucoup de leur importance, etla voie est ouverte aux ouvriers dits « spécialisés », c’est-à-dire n’effectuant qu’une série limitée d’opérations parfaitement définies. On les retrouvera sur les chaînes des usines de montage d’automobiles. C’est en s’appuyant sur les travaux de Taylor qu’Henry Ford développera, dès1903, cette forme efficace mais particulièrement déshumanisante d’organisation, magnifiquement illustrée par Chaplin dans Les temps modernes.

(…) Il publie un premier mémoire sur l’utilisation des courroies, dispositif capital de transmission d’énergie dans les ateliers de l’époque, puis un second sur un système de « salaire différentiel aux pièces » qu’il a mis au point. Un ouvrier « aux pièces » recevait une somme fixe par pièce produite. Taylor, lui, prévoit deux taux: si l’ouvrier respecte la norme fixée par les responsables des méthodes, il est payé nettement plus cher par unité produite que s’il ne la respecte pas.

(…) Dans Les principes du management scientifique, publié en 1911, il raconte comment il a quadruplé le tonnage de gueuses de fonte – des lingots de 45 kilos chacun – manutentionnées par Schmidt, un manoeuvre peu intelligent mais courageux et âpre au gain. En rationalisant les gestes, endossant soigneusement le temps de travail et le temps de repos, il fait charger par son cobaye47,5 tonnes en une journée de 10 heures, au lieu des 12,5 tonnes habituelles. Il récompense Schmidt largement, faisant passer son salaire quotidien de 1,15 dollar à 1,85 dollar

Organiser «scientifiquement»

Premier point, le recrutement: il choisit un ouvrier robuste, qui « chaque soir repart chez lui d’un bon pas, aussi frais que le matin en arrivant ». Deuxième point, la formation: les premiers jours, un assistant suit Schmidt pas à pas, lui montre les gestes à faire, lui indique à quel moment il doit s’arrêter pour se reposer, puis repartir. Troisième élément, le partage du gain: la Bethlehem Steel Company fait l’économie de trois manutentionnaires sur quatre, et Schmidt empoche 70 cents de plus par jour, soit une augmentation de 60%.

On doit aussi à Taylor l’invention des cadres « fonctionnels ». Le contremaître traditionnel, hiérarchique, continue à diriger l’atelier, à embaucher et à licencier. Mais Parallèlement, des spécialistes étudient les temps et les gestes, ils fixent les standards et dirigent techniquement les ouvriers. »

Marc Mousli, Alternatives Economiques n° 251 – octobre 2006

Une vidéo : Les principes du Taylorisme

 

[su_spoiler title= »Pour aller plus loin : Zoom L’ ouvrier Schmidt de Taylor » style= »fancy » icon= »caret-square »] « L e manutentionnaire de gueuses (lingots) de fonte se baisse, ramasse une gueuse pesant 41 kilogrammes, se déplace sur une distance de quelques mètres et jette la gueuse soit sur le sol, soit sur un tas [ … ]. Notre devoir était de prendre les mesures nécessaires pour que les 81 000 tonnes de fonte en gueuses soient chargées sur les wagons à la cadence de 48 tonnes par ouvrier et par jour et non à celle de 12,7 tonnes qui était celle à laquelle le travail était actuellement accompli.

Nous avions à trouver l’ouvrier avec lequel nous pourrions commencer. Nous appellerons cet ouvrier Schmidt. Schmidt se mit au travail ; tout au long du jour et à une cadence régulière, l’homme qui se trouvait auprès de lui avec un chronomètre lui disait : maintenant, ramassez une gueuse et transportez-la ; maintenant, asseyez-vous et reposez-vous ; travaillez… reposez-vous…, etc. Il travailla quand on lui disait de travailler et il se reposa quand on lui disait de se reposer, et à cinq heures et demie en fin d’après-midi il avait chargé les 48 tonnes dans le wagon. Ainsi, il reçut un salaire supérieur de 60 % à celui touché par les ouvriers qui n’étaient pas à la tâche. L’un après l’autre, les différents ouvriers furent pris en charge par le moniteur et entraînés à manutentionner les gueuses de fonte au rythme de 48 tonnes par jour jusqu’à ce que toutes les gueuses fussent chargées à ce rythme [ … ].

La question qui se présente alors naturellement à l’esprit est la suivante : est-ce qu’un encadrement très nombreux de ce genre est rentable ? La meilleure façon de répondre à cette question est de présenter les résultats pour la troisième année de travail suivant ces méthodes :

Pour calculer le coût de 0,033 dollar à la tonne, nous avons tenu compte des dépenses de bureau, de magasin et des salaires de tous les chefs d’atelier, contremaîtres, employés, agents d’étude des temps, etc. »

Frederick  Taylor,, L’Organisation scientifique du travail (1911), Dunod, 1957.

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3. Le Fordisme

Ford (1863 – 1947) :industriel américain qui applique les méthodes de Taylor dans la construction automobile (ford T)

Ford reprend la double division du travail, mais instaure en plus trois nouveautés :

  • le convoyeur et la chaîne
  • la standardisation des produits
  • des salaires élevés qui permettent de trouver des débouchés.

 

le convoyeur et la chaîne permettent de fixer le rythme de travail et de limiter les déplacements des ouvriers (Économiquement, le convoyeur supprime la manutention et favorise la gestion rigoureuse des stocks. Socialement, il impose ses cadences de travail et dépossède les salariés du contrôle de leur rythme de travail).

Le « freinage », qui résultait selon Taylor de la rémunération des salariés à la journée, ne peut plus se produire dès lors que ces salariés ont perdu la maîtrise des modes et des temps opératoires, lesquels sont imposés, désormais, par le convoyeur. La rémunération et surtout l’évolution des rémunérations peut alors s’effectuer sur la base des gains de productivité de l’atelier ou de l’entreprise.

la standardisation des produits à permis des économies d’échelle ( à travers la production en grande série) et une réduction des coûts imputable aux consommations intermédiaires réduites et des économies d’apprentissage (on fait mieux ce que l’on connaît bien) è cela a induit une diminution du prix.

Mais le point le plus intéressant, consiste dans l’augmentation des salaires qui assure des débouchés à la production de masse et la « motivation » des travailleurs c’est le compromis Fordien contre un salaire élevé on réalise un travail inintéressant.

 

 

[su_spoiler title= »Zoom L’organisation du travail chez ford » style= »fancy » icon= »caret-square »]
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Au-delà des fortes augmentations de salaire obtenues en fonction des gains de productivité, dans le cadre de négociations collectives, par des syndicats devenus des partenaires sociaux, le développement de l’État- Providence a permis de régulariser l’évolution de la demande à travers la protection sociale et la couverture des principaux risques sociaux grâce à la distribution de revenus de transfert. Le développement du crédit à la consommation est aussi un phénomène qui a fortement contribué à l’ajustement entre l’évolution de l’offre et celle de la demande sur un rythme particulièrement élevé. – le développement du système bancaire et de crédit : augmentation des dépôts bancaires et augmentation– le développement de l’État providence qui assure, grâce à la protection sociale (maladie, chômage, retraite…), une certaine continuité aux revenus des ménages et donc stabilise la demande en évitant une brutale dégradation de celle-ci lorsque la conjoncture se dégrade. L’État finance aussi les infrastructures indispensables à l’activité économique des entreprises [/su_spoiler]

 

Une vidéo de synthèse : C’est quoi le TAYLORISME & le FORDISME ?

 

Questions :

  1. Pourquoi peut-on parler de double division du travail ?
  2. Illustrez, à l’aide du texte, ce que l’on appelle la division horizontale et la division verticale du travail.
  3. Quel est l’avantage du salaire différentiel aux pièces ?
  4. Pourquoi peut-on parler de relation hiérarchique stricte ?
  5. Quelles sont les apports de Ford

 

 

4. Les modèles d’organisation post-taylorien

 

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Document : Une organisation plus horizontale

Dans les années 1960, le compromis « fordiste », mis en place à l’après-guerre s’essouffle. « Nous sommes à une période charnière : la croissance industrielle commence à fléchir et on craint les premières restructurations », note Rémi Bazillier. Les salariés, qui acceptaient auparavant les conditions extrêmement difficiles en échange d’un accès à la société de consommation, permis par des augmentations de salaire (même si, les paies des Français sont les plus basses de la Communauté européenne en 1966), contestent le modèle dépassé. « 1968 va mettre un coup d’arrêt à ce contrat social », résume Michel Lallement, sociologue. Nombre de transformations s’ensuivront. Avec les premières formes de modernisation et l’injection de l’électronique et de l’informatique dans les outils de production, les années 1980 voient émerger le toyotisme :

« C’est l’heure de la production à flux tendu avec l’idée que c’est le consommateur qui décide du moment où l’on met en chantier une forme de production », note Michel Lallement. « La logique de la division stricte du travail dans les ateliers est remise en cause. »

L’heure est à la polyvalence, à la mobilité et à la remise en cause des hiérarchies classiques avec l’objectif « Zéro gâchis, zéro temps mort ».

Puis, émerge un modèle, plus récent, où une double injonction structure les formes d’organisation du travail : davantage de marge de manœuvre, d’autonomie dans la façon de travailler des individus, mais un résultat nécessaire. On y retrouve, en partie, un héritage de 1968 avec cette volonté de liberté et en même temps une rupture totale avec la logique taylorienne où l’on écrivait point par point le menu à suivre.

« Il y a cinquante ans, les travailleurs voulaient de la flexibilité, la possibilité de créativité. Toutes ces exigences, ces valeurs, ont été complètement absorbées par le discours managérial actuel, qui va de pair avec cette philosophie d’autonomie. »

Cette double exigence créerait de nouveaux maux : stress, burn-out… « Ce qui n’était pas du tout des pathologies qu’on dénonçait en 1968 », poursuit Michel Lallement.

Le modèle managérial évolue aussi au fil des années : la direction passe d’une hiérarchie très verticale à l’horizontalité. Le statut cadre se banalise : auparavant réservé à un rôle d’encadrant, il ne l’est plus systématiquement aujourd’hui. Dans les années 1990 émergent des « entreprises libérées », dans lesquelles les salariés sont invités à prendre des décisions librement et à récupérer le lead tour à tour.

source : https://www.latribune.fr/economie/france/entre-mai-1968-et-aujourd-hui-7-mutations-du-monde-du-travail-779164.html

 

Document : La flexibilité

Les exigences de variété, de qualité, de délais, afin de répondre au plus près à une demande qui se diversifie selon les âges, les revenus, les modes de vie, les aires géogra­phiques, deviennent un axe central de la concurrence entre les entreprises. Cette nouvelle «modalité de la concurrence» conduit à la recherche de dispositifs pro­ductifs flexibles, pas simplement sur un plan quantitatif, mais également, et sur­tout, sur un plan qualitatif : être capable de réaliser des produits et des services diffé­rents à partir des mêmes unités producti­ves. Cette phase correspond à l’introduction massive des technologies flexibles, robots, automates programmables, etc., s’accom­pagnant généralement de réorganisations significatives pour mettre en place une « flexibilité organisationnelle ».

Christian du Tertre, « Activités immatérielles, subjectivité et productivité », Performances humaines et techniques, Toulouse, Hors Série, septembre 1999. in Problèmes politiques et sociaux, n°867, 2001

Document :

Le modèle japonais est devenu dans les années 1980-1990 un lieu commun, objet d’un très large débat, au même titre que le taylorisme, 70 ans plus tôt. Ces transformations ont été accompagnées à partir du début des années 1980 en France d’une revalorisation idéolo­gique de l’entreprise et d’une exigence nouvelle envers les hommes qui y travaillent. Le mouvement des « cercles de qualité », consistant à impliquer les exécutants dans l’éva­luation du résultat global de leur travail par le biais de réunions sur le lieu de travail, où tous, quel que soit le rang hiérarchique, avait (théoriquement) un droit égal à la parole, a probablement été la manifestation la plus claire de cette nouvelle idéologie qui semblait vouloir rompre avec les principes de la division du travail autrefois clairement assumée. Il permettait à peu de frais (c’est-à-dire sans changements techniques ou organisationnels significatifs) de populariser « l’esprit japonais » : critique du productivisme aveugle, de la déresponsabilisation des exécutants, valorisation de la concertation, de la circulation de l’information, de l’implication personnelle de tous, à tous les niveaux de la hiérarchie, bref de fournir une base institutionnelle au « management participatif ».

Ouvrage collectif sous la direction d’Alain Bruno, ed Ellipses 2001.

Document : Les principes du toyotisme
Les nouvelles pratiques de travail mises en place dans les années 70 par l’entreprise japonaise Toyota ont modifié les modes de production des entreprises. Elles ont marqué une rupture par rapport au mode de production de type fordiste, à tel point que les formes d’organisation du travail qui les utilisent sont appelées toyotisme par les économistes. Elles se caractérisent tout d’abord par une production « au plus juste », sans gaspillage (« lean production », littéralement production maigre) où seul est produit ce qui répond à une demande précise. La procédure emblématique de cette forme d’organisation est la production en juste-à-temps (ou à flux-tendu), qui consiste à produire en fonction de la demande du client et dans des délais très courts, dans le souci de minimiser les stocks ou les effectifs utilisés.
Elles encouragent ensuite la définition de bonnes pratiques de travail et mettent l’accent sur leur amélioration continue. Elles ont en cela inspiré les normes de certification qualité comme les normes ISO 9001. 
Enfin, elles impliquent plus les salariés dans la production, veillent à différencier leur travail et à mieux les concerner. Elles marquent en cela une rupture avec les modes de production de type tayloriste ou fordiste, dans lesquels les salariés sont cantonnés à l’exécution continuelle des mêmes gestes. Les entreprises américaines, puis européennes, se sont inspirées de ces nouvelles formes d’organisation du travail et ont commencé à en adopter certaines dans les années 80 et 90. Elles se sont rapidement diffusées en France à la fin des années 90 […]. Leur adoption rapide provientsans doute de leur effet bénéfique, à court ou moyen terme, sur le profit de l’entreprise (soit en réduisant le coût de
production, soit en augmentant le prix de vente, soit en accroissant la productivité). […]
Les nouvelles formes d’organisation du travail appelées toyotisme par les économistes s’inspirent de celles mises en place dans les années 70 dans le cadre du système de production de Toyota (TPS, « Toyota Production System ») par l’ingénieur Taiichi Ohno. Ce système est schématiquement structuré autour de quatre méthodes principales :
1. La production en juste-à-temps : elle vise à ajuster exactement le flux des pièces avec le rythme du montage de sorte à éliminer les stocks (coûteux en stockage et risquant d’être invendus) et le gaspillage (« muda » en japonais).
2. Les équipes autonomes de travail : les salariés sont répartis en équipes de travail d’une dizaine de personnes, collectivement responsables de la production. Ils bénéficient d’une autonomie dans la répartition des tâches au sein de l’équipe.
3. Le principe de qualité du processus de production (« jidoka ») : il vise à minimiser les erreurs de fabrication, notamment en accordant plus d’autonomie aux opérateurs eux-mêmes, qui participent au diagnostic des problèmes et à leur résolution (ils disposent par exemple de la faculté de stopper les machines s’ils constatent une anomalie qu’ils peuvent réparer). L’objectif est de maintenir une qualité optimale des produits tout au long du cycle de production.
4. Le principe d’amélioration continue (« kaizen ») : il s’appuie en amont sur le découpage du travail en chacune des tâches élémentaires qui le composent, l’analyse de ces tâches et le choix de la manière optimale de l’effectuer. Il incite ensuite chaque salarié (de l’opérateur à l’ingénieur) à proposer des améliorations graduelles du processus de production et des tâches qu’il réalise au cours de son travail. Ces modifications graduelles et marginales s’opposent à une réorganisation complète du travail au sein de l’entreprise. 
Source : https://dares.travailemploi.gouv.fr/sites/default/files/pdf/DE165_Changements_organisationnels_0410.pd

 

Document : Le Lean management

Questions :

  1. Pourquoi le mode de gestion taylorien n’apparaît plus adapté dans les années 80 ?
  2.  Recherchez la définition des expressions soulignées
  3. Pourquoi peut on parler « d’enrichissement » du travail dans ces nouvelles organisations ?
  4. Comment peut-on qualifier la relation hiérarchique dans ces nouvelles organisations ?
  5. Pourquoi le lean management permet-il d’améliorer la productivité du travail ? (Vidéo)
  6. Réalisez un tableau de synthèse permettant de comparer ces deux types d’organisation du travail.
  7. En quoi peut-on dire que le modèle post-taylorien a des conséquences psychologiques négatives sur les
    ouvriers ? (Vidéo)

 

[su_spoiler title= »En vidéo : enrichissement des tâches et lean management » style= »fancy » icon= »caret-square »]

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[su_spoiler title= « Pour approfondir : Zoom La genèse du toyotisme » style= »fancy » icon= »caret-square »]Après la Seconde Guerre mondiale, le Japon avait, lui aussi, adopté ces méthodes fordiennes de production, d’une part sous la pression de l’occupation américaine de l’archipel, d’autre part parce que personne n’en connaissait d’autres. Pourtant, elles ne convenaient guère à l’industrie japonaise de l’époque en raison de l’étroitesse du marché (un pays encore pauvre, tout juste sorti d’une guerre coûteuse) et de la multiplicité des offreurs. [ … ] T. Ohno (ingénieur en chef, puis directeur des usines Toyota) décida de mettre en place dans les ateliers les principes du supermarché américain tels qu’il les trouva exposés dans la littérature professionnelle ou qu’il les rencontra lors de son séjour aux États-Unis en 1956. Pour lui, « un supermarché est, en effet, un endroit où le consommateur peut obtenir les marchandises dont il a besoin, au moment où il en a besoin et dans les quantités qui lui sont nécessaires. [ … ]

Quant aux employés du magasin, il est clair qu’il leur appartient de préparer et d’agencer les marchandises de façon que les consommateurs puissent venir faire leurs achats au moment de leur choix.’ »

La portée conceptuelle de ce modèle appliqué à la production industrielle est considérable. En premier lieu, il abolit les stocks commerciaux de marchandises entre l’usine et le client, puisque c’est le consommateur, dans le supermarché comme dans la nouvelle organisation de Toyota, qui commande et impose ses desiderata à l’amont : le « pilotage par l’aval » était né. En second lieu, et à travers la même logique, chaque station de travail ou chaque segment productif peut demander à son poste amont de lui livrer en temps utile et dans le volume qui lui semble nécessaire le bien indispensable à son activité : le « juste-à-temps » était né. Lequel signifie la disparition des encours entre segments de production puisque la station de travail amont ne produit et ne livre que la quantité nécessaire à l’aval, à l’instant demandé.

  1. Taiichi Ohno, L’Esprit Toyota, Masson, 1989.

Jean-Pierre DURAND, La Chaîne invisible. Travailler aujourd’hui : flux tendu et servitude volontaire, Éditions du Seuil, 2004.[/su_spoiler]

 

[su_spoiler title= « Pour approfondir : Zoom  L’organisation du travail a-t-elle vraiment changé ? » style= »fancy » icon= »caret-square »]

Censé réconcilier efficacité productive et autonomie des salariés, le toyotisme accentue en fait l’intensification du travail. De ce point de vue, il est un perfectionnement du fordisme plus qu’un dépassement. Cependant, ses principes peuvent aussi déboucher sur une organisation qualifiante du travail, faisant de l’apprentissage un facteur essentiel de l’efficacité.

  1. Toyotisme contre fordisme

Les méthodes modernes d’organisation du travail s’appuient sur la rationalisation extrême des activités pensée par Frederick Taylor. Le taylorisme, ou organisation scientifique du travail taylorienne, repose sur une division verticale du travail entre les opérateurs chargés de l’exécution des tâches et un bureau des méthodes chargé de définir, sur la base de l’expérimentation, la meilleure manière de réaliser chaque opération. Les tâches sont décomposées et simplifiées, de manière à éliminer les temps morts et à obtenir une exécution parfaite. Ces méthodes atteignent une forme de perfection avec la chaîne de montage, qui naît dans les usines automobiles Ford, à Dearborn (Michigan), en 1913. Le déplacement de la chaîne soumet l’opérateur au rythme de la machine et supprime des manipulations fatigantes. L’ouvrier spécialisé devient lui-même machine.

Les gains de productivité sont immédiatement au rendez-vous, obligeant la concurrence à utiliser les mêmes méthodes. Le taylorisme ou le travail à la chaîne touchent peu à peu un nombre croissant d’entreprises, de pays et de secteurs. Ils deviennent la forme dominante d’organisation du travail partout où c’est possible. La séquence « spécialisation -> gains de productivité -> croissance -> élargissement des marchés -> spécialisation » est à l’origine d’une croissance auto-entretenue.

Des difficultés surgissent cependant à partir des années 1960. D’abord, c’est une crise du travail, liée à l’accélération des cadences et à l’utilisation d’une main-d’oeuvre jeune, mieux formée et moins docile. Cette main-d’oeuvre ne trouve pas de sens dans l’accomplissement de son travail. L’absentéisme massif et les départs volontaires désorganisent la production, les conflits se multiplient et la qualité du travail est médiocre. Ensuite, c’est l’inadaptation de la production de masse aux changements des marchés. La production est pilotée par l’amont : l’entreprise conçoit un petit nombre de produits, les fabrique en masse, puis essaie de les vendre. Mais les taux d’équipement élevés des ménages rendent les ventes plus cycliques, le consommateur souhaite se différencier par des produits originaux, la demande se fragmente. Enfin, on assiste à la montée des coûts d’organisation liée au contrôle du travail et au gigantisme des unités de production.

Les principes du toyotisme sont l’amélioration continuelle des processus (kaizen) par les ingénieurs de production et les opérateurs, ainsi que le pilotage de la production par l’aval : les commandes des acheteurs sont passées à la production puis exécutées, ce qui permet une grande souplesse et élimine les stocks, la production se fait à flux tendus. Les usines Toyota construisent ainsi couramment huit modèles différents sur la même ligne de production, et l’entreprise propose 60 modèles différents au Japon, sans compter les versions spécifiques aux unités de production hors Japon. Les pièces sous-traitées, telles que les sièges, sont commandées au fournisseur une fois que la voiture est entrée en production, et livrées en quelques heures en bord de chaîne.

Le toyotisme reprend donc les principes de polyvalence et d’autonomie des opérateurs, mais mis au service de l’efficacité productive. Le toyotisme et ses variantes semblent ainsi réconcilier efficacité productive et prise en compte du facteur humain, pour proposer des tâches plus riches et plus valorisantes.

  1. Une nouvelle phase d’intensification du travail

Les enquêtes sur les conditions de travail mettent en évidence que l’application des nouveaux principes d’organisation du travail, loin de mener à l’épanouissement de la main-d’oeuvre, se traduit au contraire par une intensification du travail. Et par une extension des contraintes typiques du travail industriel à des fonctions et à des branches de plus en plus larges. Certes, le travail ouvrier est souvent moins répétitif que par le passé et certaines tâches physiques pénibles, telles que le port de charges lourdes, ont été mécanisées. Mais d’autres contraintes apparaissent, qui vont bien au-delà des seuls ouvriers de la grande industrie.

Le pilotage de la production par l’aval signifie que la production doit réagir aux sollicitations de la clientèle. Dans une entreprise comme Toyota, ces sollicitations sont évidemment indirectes : elles s’expriment principalement à travers la variété de la production, en réponse à la demande des concessionnaires. La contrainte des délais est rendue plus vive par la production à flux tendus. Dans de nombreux domaines, ces sollicitations sont au contraire directes et sources d’une forte pression sur les salariés, en termes de délais de livraison ou de réponse, de qualité de la prestation, de suivi des services. Cette pression est à l’origine de ce que Michel Gollac et Serge Volkoff appellent la contrainte commerciale, par opposition à la contrainte industrielle, à laquelle elle vient s’ajouter.

En effet, dans l’organisation fordiste traditionnelle, les opérateurs négocient leur rythme ou leur temps de travail avec la direction. Dans la nouvelle organisation, les rythmes et temps de travail découlent des interactions avec la clientèle. Or celles-ci font entrer en jeu des facteurs qui poussent le salarié à des efforts supplémentaires, tels que l’honneur professionnel ou le souci d’aider les autres. En clair, il est plus facile à un syndicaliste de dire « non » à la direction qu’à un salarié isolé de dire « non » à un client. Outre le rythme ou les horaires, l’interaction avec le public peut être source de stress, en confrontant l’agent à une situation qu’il n’a pas les moyens de gérer correctement. Le sentiment d’insécurité physique est même très présent, en particulier dans les services.

Une propriété essentielle du pilotage par l’aval est de s’appliquer aux services. Une caractéristique particulière des services est qu’ils ne peuvent être stockés, car ils sont produits en même temps qu’ils sont consommés. La production de services à la chaîne est par conséquent limitée à quelques cas, comme la restauration rapide, les centres d’appels ou le tri des chèques. Pour l’essentiel, ce secteur, qui concentre aujourd’hui la majorité des emplois dans les pays développés, a donc échappé à la rationalisation taylorienne du travail. En revanche, le pilotage par l’aval s’y applique fort bien, la contrainte commerciale y étant omniprésente.

L’impact de l’organisation du travail est accru par l’utilisation des technologies de l’information et de la communication. Celles-ci avivent la contrainte commerciale : les dispositifs de traçabilité permettent au client de savoir à tout moment où en est sa commande et qui la traite ; le téléphone portable met le dépanneur à portée du client. L’informatisation autorise aussi la mesure des performances : le temps de traitement moyen de cent euros d’achats par une caissière est affiché en salle de repos, les opérateurs des centres d’appels savent combien de clients attendent pour être pris en charge et quel a été leur temps de réponse moyen.

La logique est donc différente de celle du taylorisme. Loin de donner un one best way, la norme est plutôt que chacun se débrouille comme il l’entend pour remplir les objectifs qui lui sont fixés. La répétition sans surprise a laissé place à la nécessité d’improviser, à la fréquence des interruptions dans le travail. Mais le résultat, en termes de conditions de travail, est que la contrainte commerciale entraîne une nouvelle phase d’intensification. En ce sens, la nouvelle organisation du travail apparaît plus comme un perfectionnement que comme une alternative au fordisme. Elle joue cependant ce rôle dans certains cas.

  1. L’organisation qualifiante

L’autre principe du toyotisme, l’amélioration continue des méthodes, rompt plus nettement avec le taylorisme et le fordisme, en faisant de l’apprentissage l’origine des gains de productivité. Adam Smith insiste sur l’idée que c’est de la répétition que naissent la perfection des gestes et leur économie. Cependant, une fois l’organisation mise en place – ce qui est très rapide -, il n’y a plus d’apprentissage dans l’usine taylorienne. Au contraire, lorsque le processus de production implique des interactions complexes entre les individus, des échanges d’informations répétés, la découverte de situations variées et changeantes, l’apprentissage est permanent.

Etudiant l’industrie aéronautique américaine, le prix Nobel Kenneth Arrow a mis en évidence, dans une étude de 1962, un apprentissage par la pratique (learning by doing) qui fait que chaque avion est produit plus efficacement que le précédent. D’autres études empiriques observent la même chose, comme celle sur l’aciérie de Horndal (Suède), où la productivité a augmenté de 1,5 % par an pendant dix ans sans renouvellement des machines. L’apprentissage par la pratique est l’accroissement des connaissances lié à l’exercice de l’activité productive. L’évolution continuelle de l’organisation est justifiée pour tout processus complexe parce que les problèmes et les solutions idéales n’émergent pas immédiatement au stade de la conception du processus de production. Mais c’est aussi la conséquence de l’adaptation au marché.

Cet apprentissage est à la fois individuel et collectif. Sur le plan individuel, la compétence des opérateurs augmente par leur confrontation à des situations de travail nouvelles. L’autonomie des opérateurs, la diversité de leurs tâches, qui incluent la maintenance de premier échelon et le contrôle qualité, la stabilité des équipes concourent à l’amélioration de la compétence individuelle. Par ailleurs, les capacités d’observation et d’innovation des opérateurs sont sollicitées et renforcées à travers les discussions collectives au sein des cercles de qualité ou les boîtes à idées qui permettent à chacun de proposer des innovations.

L’apprentissage est aussi collectif. De même qu’il faut du temps pour construire une équipe de sport, le collectif de travail doit apprendre à se connaître et élaborer un vocabulaire commun de manière à améliorer la circulation de l’information. En outre, la maîtrise du processus de production s’améliore avec les essais et les erreurs. L’apprentissage nécessite donc une grande stabilité du personnel, obtenue au Japon par une politique de rémunération à l’ancienneté et d’emploi à vie.

Les gains de productivité par expérience sont à l’origine de minuscules innovations qui peuvent, combinées, avoir un impact fort sur la productivité. Il y a là une double dynamique : les améliorations sont rendues possibles par la qualification des opérateurs et l’utilisation de leurs compétences ; la confrontation à des problèmes variés renforce leurs compétences. Les innovations qui en résultent sont souvent qualifiées d’incrémentales ou de « petites innovations », par opposition aux innovations majeures nées de la recherche et développement. Il s’agit aussi bien de savoir comment organiser un groupe-projet que de remplacer un robot par un ensemble de plans inclinés ou d’optimiser la circulation de l’information. Ce mode de fonctionnement a également pour effet d’impliquer davantage les opérateurs dans leur travail et d’en réduire la monotonie. En ce sens, il est une réponse à la crise du travail à laquelle le fordisme avait été confronté.

Les deux principes du toyotisme sont séparables. Le pilotage de la production par l’aval prend une grande extension ; mais il peut servir, dans une logique taylorienne, à augmenter le rythme de travail ou, dans une logique toyotienne, à combiner adaptation et qualité au sein d’une organisation qualifiante.

 

Arnaud Parienty, 01/11/2014, Hors-série Pratique n°070 [/su_spoiler]

 

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Qualité de vie au travail : le taylorisme a-t-il encore de beaux jours devant lui ? (theconversation.com)

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