Category Archives: Chapitre 1 : Sources et défis de la croissance

Les limites du PIB (la finance pour tous)

Le PIB, un indicateur contesté de l’activité économique

Xavier Timbeau, Directeur du Département analyse et prévision à l’OFCE,  répond à nos questions. Il nous donne son avis d’économiste et insiste sur les limites de cet indicateur.

Qu’est-ce que le PIB ?

Le PIB

 

Définition
Indicateur économique mesurant les richesses créées dans un pays sur une période donnée.
Il correspond à la somme des valeurs ajoutées dégagées par les entreprises financières et non financières, les collectivités publiques, les ménages et les associations à but non lucratif résidant dans ce pays, soit la totalité de la production de biens et services réalisée sur la période considérée dans un pays donné.
La variation du PIB sur une période donnée est l’indicateur le plus couramment utilisé pour mesurer la croissance économique

est une mesure de la production d’une économie.

Cette mesure est basée sur un système d’informations performant qui donne une vision juste de l’état d’une économie.

Lors de la grande dépression de 1929, les responsables politiques et économiques ont réalisé qu’ils n’avaient aucune mesure de l’activité économique et de son évolution. On a compris qu’on était dans une grande dépression plusieurs années après qu’elle se soit enclenchée quand on a vu le taux de chômage monter de façon très élevée, notamment aux Etats-Unis.

Après la seconde guerre mondiale, tous les pays développés ont mis en place des systèmes d’informations sur le niveau de la production.

A quoi sert le PIB ?

Le PIB est utilisé pour piloter l’économie.
Il existe un décalage de 3 ans  entre les évaluations préliminaires et les estimations définitives. Cet écart peut donner des erreurs dans la mesure de l’activité économique et introduire des biais dans la mesure des résultats des politiques économiques mises en place.
A l’origine, le PIB a été mis en place pour pouvoir piloter un appareil productif en temps de guerre ou de reconstruction. , Aujourd’hui, mesurer le PIB permet de  comparer les performances de différents pays entre eux.

Les limites du PIB dans la comparaison

Pourquoi un PIB plus élevé serait « mieux » ? il existe deux principales limites :

  •  Le PIB ne prend pas en compte les différences de conditions de production. L’économiste insiste sur l’effet de nécessité. En effet, deux pays peuvent avoir le niveau de confort équivalent mais avec des PIB différents.
  •  La comparaison des niveaux de PIB ne permet pas de comparer des niveaux de satisfaction puisque la notion de niveau de satisfaction reste subjective et diffère selon les pays, les cultures ou encore les régions.

Finalement, le PIB ne donne que des éléments quantitatifs qui ne sont pas si pertinents.

Quelles sont les limites du PIB pour évaluer les productions ?

Pour construire un PIB, il faut des prix. Pour le moment, on utilise les prix du marché.
Cependant, on ne dispose pas de prix de marché pour le secteur non marchand. on les reconstitue à partir des coûts de production. Mais cette mesure ne prend pas en compte la qualité du service rendu.
Pour le secteur marchand, on peut envisager que tout les marchés sont « en échec » que les prix résultent de la manipulation, d’un rapport de force ou d’un monopole. Les prix du marché sont donc biaisés, notamment à cause d’un phénomène de « rentes ».
Une augmentation de la valeur créée, puisqu’elle prend en compte toutes ces rentes, ne peut pas être considérée comme un bon indicateur de l’augmentation du bien-être des individus.

Comment prendre en compte les inégalités ?

Une correction possible des inégalités consisterait à ne pas prendre en compte les revenus des 1 % des individus les plus riches. Aux Etats-Unis, cela revient à éliminer les personnes qui gagnent chacune plus d’un million de dollars. En effet, on peut légitimement considérer que ces revenus sont de la rente.

T.Piketty et E. Saez ont mené une étude aux Etats-Unis démontrant que la moitié de la croissance américaine est due aux individus les plus riches.

Xavier Timbeau estime que cette méthode donne une mesure beaucoup plus juste de l’activité économique.

Comment prendre en compte le développement durable ?

Le PIB n’est pas une mesure exacte de l’activité économique. Certaines activités économiques créent des dommages non intégrés dans le calcul du PIB. Par exemple, les émissions de carbone ont un coût pour les générations futures : elles  modifient l’équilibre climatique, elles dégradent l’environnement.

Comment évaluer ces dommages ? Que devront supporter les générations futures des conséquences des activités de production des entreprises d’aujourd’hui ?

Xavier Timbeau aborde « la question de Copenhague » qui pose l’arbitrage entre les urgences présentes et les inquiétudes futures : il faut s’occuper des générations futures mais beaucoup meurent de faim aujourd’hui.

Selon Xavier Timbeau, si nous sommes capables de donner une valeur à la dégradation de l’environnement, nous pourrons alors modifier les comportements de consommation et peut-être développer l’esprit de responsabilité vis-à-vis des générations futures.

La croissance endogène

 

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Le progrès technique (PT) permet de dépasser l’état stationnaire

L’économiste américainR. SOLOW (néo-classique, prix Nobel d’économie en 1987) propose en 1957 un modèle mettant en évidence les facteurs de la croissance du PIB par tête.

Si l’on se référe à la théorie néo-classique, en raison des rendements factoriels décroissants, la croissance devrait atteindre un point où l’augmentation des facteurs de production ne permettra plus l’augmentation du niveau de production : l’état stationnaire.

Cependant, Solow note que  les économies n’atteignent jamais l’état stationnaire, du fait du progrès technique qui augmente la productivité des facteurs et permet donc d’annuler la décroissance des rendements factoriels.

On peut ainsi remarquer qu’ entre 1961 et 1973, près de la moitié de la croissance économique française ne s’expliquait ni par la contribution du facteur travail ni par celle du facteur capital: elle était expliquée par le «résidu de Solow»ou encore d’une «mesure de notre ignorance», assimilé à la productivité globale des facteurs de production.

Dans le modèle de Solow, le progrès technique est un facteur exogène, c’est-à-dire indépendant de l’activité économique : il semble donc «tombé du ciel», il est le fruit du hasard et reste de ce fait inexpliqué.

Dans les années 1980, d’autres économistes contemporains(Paul Romer, Robert Barro et Robert Lucas, Philippe Aghion et Peter Howitt) vont endogénéiser le progrès technique dans la croissance. Ils se fondent sur l’hypothèse que la croissance génère par elle-même le progrès technique: le PT est à la fois une cause et une conséquence de la croissance.

L’investissement dans les sources de PT produit des externalités positivesqui permettent des rendements d’échelle croissants : la croissance économique trouve donc sa source dans l’accumulation de différentes formes de capitaux

 

Le PT n’est donc pas une manne tombée du ciel mais il provient du choix des acteurs économiques.

Par exemple, les entreprises peuvent être incitées à investir et à innover, ce faisant elles vont générer des externalités favorables à la croissance. De même, les salariés peuvent être incités à se former dans la mesure où ils recherchent une hausse de leur rémunération ou l’amélioration de leurs conditions de travail (rapport coût / avantage de la formation). Enfin, l’Etat lui-même peut être un acteur du PT, lorsqu’il finance la recherche fondamentale, ou lorsqu’il décide par exemple de favoriser l’innovation des entreprises par le biais des brevets.

L’accumulation du capital humain, du capital technologique, du capital public permet de stimuler la croissance économique

Le capital humain (Gary Becker), désigne l’ensemble des aptitudes talents, qualifications, expériences accumulées par un individu et qui déterminent en partie sa capacité à travailler ou à produire pour lui-même et pour d’autres. Comme tout capital, le capital humain s’accumule au cours du temps, grâce aux dépenses d’éducation et de formation, qui peuvent être considérées comme un investissement (cf calcul coût/avantage).

Le capital technologique renvoie aux connaissances et aux innovations incorporées dans les produits. Le capital technologique est principalement le résultat de l’activité de R&D. Il comprend les brevets, les connaissances, les savoir-faire … dont dispose une entreprise ou un État qui lui permettent de produire des biens et des services plus efficaces et/ou plus compétitifs.

Enfin, le capital public désigne infrastructures financées par la puissance publique, comme les transports, les ports, les écoles, les hôpitaux, les réseaux (eau, électricité…), utilisés pour produire ou mis à la disposition des autres agents économiques. Dans un sens plus large, on peut aussi y inclure toutes les institutions mises en place par les pouvoirs publics (par exemple, les droits de propriété).

  • L’accumulation de tous ces capitaux produit des effets positifs sur la croissance économique.

L’accumulation de capital humain, grâce aux dépenses d’éducation et dépenses de santé, favorise la hausse de la productivité du travail. En effet, une main-d’œuvre mieux formée est plus qualifiée, et elle est mieux à même d’effectuer rapidement les tâches de production qui lui sont confiées. La main-d’œuvre est également plus flexible et plus autonome et s’adapte plus facilement aux modifications des processus de production, ce qui permet à l’entreprise une meilleure réactivité sur le marché, et une production de meilleure qualité, donc plus compétitive. Par ailleurs, l’investissement en capital humain augmente la capacité d’un pays à innover et/ou à incorporer les innovations dans le processus de production : la productivité est stimulée à la hausse, la qualité des produits s’améliore et de nouveaux biens et services sont mis sur le marché (innovation de produit). Il y a croissance économique.

L’accumulation de capital humain est génératrice d’externalités dans la mesure où le niveau de qualification d’un travailleur « déteint » sur la productivité de ses partenaires/collègues : c’est toute l’équipe qui travaille plus efficacement. Les connaissances et savoir-faire acquis se diffusent à l’ensemble des travailleurs (le rendement social est supérieur au rendement privé).

L’accumulation de capital technologique est permise par les dépenses en R&D. Lorsque le capital technologique correspond à de nouveaux procédés, cela permet une amélioration de la productivité de l’entreprise, et donc une baisse des coûts unitaires de production. Le prix du produit peut baisser, ce qui attire de nouveaux consommateurs ou bien libère du pouvoir d’achat pour d’autres biens et services : c’est la consommation qui est stimulée. Les entreprises élèvent leur niveau de production pour satisfaire la demande supplémentaire : il y a croissance économique. Lorsque le capital technologique prend la forme de nouveaux produits, il y a naissance de nouveaux marchés ou extension de la taille des marchés. Les entreprises vendent plus, elles produisent plus donc investissent et embauchent, ce qui tire la croissance économique à la hausse.

L’accumulation de capital technologique est source d’externalités positives car les idées ou les connaissances sont des biens publics, qui peuvent être utilisés par tous et diffusés gratuitement. L’accumulation de savoir donne naissance de nouveaux savoir, à de nouvelles innovations : les rendements sont donc croissants.

L’accumulation de capital public est le résultat des dépenses publiques d’investissement. Le capital public permet d’abord d’améliorer la productivité du secteur privé : une entreprise qui bénéficie d’un approvisionnement en énergie 24h/24 sera plus performante qu’une entreprise qui doit faire face à des coupures régulières de courant. De même, une entreprise qui bénéficie de voies de communication de qualité pour écouler sa production sera plus efficace. Par ailleurs, l’accumulation de capital public tend à favoriser l’accumulation de capital humain, via les infrastructures de formation ou de santé, ce qui est source d’amélioration de la productivité du travail, et donc de croissance économique. Enfin, le capital public permet aussi d’augmenter le stock de capital technologique : les dépenses publiques de recherche et développement (notamment dans la recherche fondamentale) permettent de réelles percées scientifiques, qui nourrissent ensuite des innovations qui pourront être développées et commercialisées par des entreprises.

La croissance, un processus « auto-entretenu » (la croissance entretient le PT qui lui-même entretient la croissance)

L’investissement, au sens large du terme, c’est-à-dire au sens d’accumulation de capital, génère ce que les économistes appellent des externalités positives.

Le terme externalité désigne la conséquence non voulue de l’activité d’un agent économique sur d’autres agents économiques, qui ne donne pas lieu à une compensation monétaire (les retombées, positives ou négatives ne sont pas prises en compte par le marché : le coût des conséquences négatives n’est pas supportée par celui qui les génère et celui qui les subit ne reçoit aucune indemnisation. Inversement, celui qui engendre des externalités positives n’est pas rémunéré pour celles-ci).

Dire que l’accumulation de capital engendre des externalités positives, cela veut dire que l’accumulation de capital par un agent économique a des retombées favorables pour d’autres agents économiques, en particulier des retombées en termes d’amélioration de la productivité.

Ainsi en est-il des dépenses publiques d’éducation, qui profitent aux entreprises grâce à l’élévation du niveau de formation de la main-d’œuvre et donc de l’augmentation de la productivité du travail. Ce raisonnement est également vrai pour les dépenses, publiques ou privées, en matière de recherche et développement (R&D), qui permettent l’augmentation du stocks de connaissances (recherche fondamentale et appliquée) mais aussi l’accumulation de capital technologique (recherche appliquée et innovation proprement dite). L’ensemble des agents économiques peut bénéficier des avancées en termes de savoir ou de technologies liées à ces dépenses de R&D  : les consommateurs sous forme de nouveaux produits et les producteurs sous forme de nouvelles façons de produire plus efficaces par exemple.

 

 

Les activités à l’origine de l’accumulation de capital sont donc des activités à rendements croissants : plus il y a de capital accumulé, et plus l’effet sur la croissance est important. Par exemple, plus le niveau de connaissances est élevé, et plus on peut faire de nouvelles découvertes ou de nouvelles innovations. La croissance ne se heurte donc plus au problème des rendements décroissants (qui impliquent que l’investissement finit par s’arrêter, lorsque la productivité marginale du capital devient nulle) : la croissance peut se poursuivre indéfiniment (?) grâce au progrès technique engendré par l’accumulation des différentes formes de capital.

Le caractère « auto-entretenu » de la croissance économique a été souligné par un certain nombre d’économistes au tournant des années 1980. Leurs travaux ont été regroupés sous le terme de théories de la croissance endogène : leur idée commune est de montrer que le progrès technique ne « tombe pas du ciel », mais qu’il résulte de l’activité même des agents économiques (entreprises et État). Le progrès technique, qui est au cœur de la croissance, est lui-même produit par la croissance.

Croissance → accumulation de capital → progrès technique → croissance

 

Ainsi, une croissance économique forte permet de dégager des ressources pour développer un système de formation performant, depuis l’école primaire jusqu’à l’université. Les fruits de la croissance permettent donc de financer l’accumulation de capital public, mais aussi de capital humain et de capital technologique. La corrélation statistique que l’on observe entre par exemple le niveau des dépenses de R&D et la croissance économique peut donc s’interpréter de deux manières. On peut d’abord considérer qu’un secteur de R&D développé garantit une croissance forte (gains de productivité, amélioration des produits, mise au point de nouveaux produits…). Mais on peut également penser que la croissance permet de financer l’effort de R&D, grâce à la recherche fondamentale publique, la formation de la population (meilleur niveau d’études, donc plus de chercheurs et d’innovateurs), les aides aux entreprises innovantes… Le raisonnement est le même si l’on s’intéresse à la corrélation entre niveau de capital humain et croissance économique.

Les théories de la croissance endogène conduisent à réhabiliter le rôle de l’État dans la croissance économique. Les dépenses publiques et le volontarisme politique permettent de stimuler l’accumulation de capital humain, technologique et public de façon à les produire à un niveau optimal. En effet, compte tenu du fait que ce sont des activités à fortes externalités positives, les entreprises ne développent pas suffisamment ces activités, dont le rendement privé est inférieur à leur rendement social. L’intervention de l’État, garant de l’intérêt général et financé par les prélèvements obligatoires (et non par la rémunération du marché), permet alors de faire en sorte que les activités de formation, de R&D, d’investissement dans les infrastructures, etc. se fassent à un niveau qui permettent une croissance satisfaisante.

 

Un exercice Ici