Taqawan
Taqawan d’Éric Plamondon (Le Livre de Poche, 2019)
« Ici, on a tous du sang indien et quand ce n’est pas dans les veines, c’est sur les mains. » 11 juin 1981. Trois cents policiers de la sûreté du Québec débarquent sur la réserve de Restigouche pour s’emparer des filets des Indiens mig’maq. Émeutes, répression et crise d’ampleur : le pays découvre son angle mort.
Une adolescente en révolte disparaît, un agent de la faune démissionne, un vieil Indien sort du bois et une jeune enseignante française découvre l’immensité d’un territoire et toutes ses contradictions. Comme le saumon devenu taqawan remonte la rivière vers son origine, il faut aller à la source… Histoire de luttes et de pêche, d’amour tout autant que de meurtres et de rêves brisés, Taqawan se nourrit de légendes comme de réalités, du passé et du présent, celui notamment d’un peuple millénaire bafoué dans ses droits.
Une descente de police au Québec. Des indiens survivants dans une réserve. Une jeune indienne violée et humiliée. Un garde-pêche qui démissionne. Une institutrice. Et un vieil amérindien vivant comme ces ancêtres dans le monde d’aujourd’hui. Je n’en dirai pas plus sur ce qui semble être le meilleur des trois livres du Polar lycéen. En effet, ce livre ou plutôt cet écrit révélateur nous pose la question dont on connaît déjà la réponse: mais qui sont les vrais « sauvages »? Est-ce les amérindiens, premiers américains de l’histoire, qui ont vécu en respectant la nature et ces bienfaits durant des millénaires ? Ou est-ce les sans scrupules, hostiles, déroutants, dégoûtants, ignobles, infâmes, haineux, sales, « crades », ventripotents, bedonnants colonisateurs européens, qui n’ont foulé les Amériques que depuis une centaine d’année et ont déjà perpétré des massacres et détruit la terre par le capitalisme ? La question ne se pose même pas.
En effet, le livre insiste sur l’injustice et le racisme qui sévissent encore de nos jours. Basé sur des fait réels, l’auteur narre la descente des forces de l’ordre au Québec pour confisquer les filets de pêche à saumon dans une réserve indienne, en prétextant que ceux-ci ne respectent pas les normes écologiques sur le saumon. Ainsi, l’histoire part de là et se développe pas à pas pour rappeler un problème national: le génocide des indiens. L’histoire, émouvante et violente, est souvent entrecoupée de « flash-back », de retour en arrière sur l’histoire de l’Homme aux Amériques, bien avant l’arrivée de l’envahisseur, et sa confrontation avec la nature, sans pour autant avoir un quelconque impact avec l’intrigue. La métaphore du saumon remontant à la source, avec les événements marquants du livre, nous fait réfléchir sur la culpabilité passé et encore d’actualité du rôle meurtrier de l’européen dans l’histoire des Amériques. La violence, l’injustice, l’humiliation et le racisme de l’Homme contre l’Homme sont mis au grand jour grâce à ce roman. L’action qui en découle est violente, surprenante et intrigante, avec une écriture simple et courante, mais un style franc et convaincant.
Les personnages sont bien cernés et crédibles et on ressent pour eux soit une sentiment de compassion soit un sentiment de profonde antipathie, voire de haine.
Bien que le roman soit une fiction, il n’en demeure pas moins que l’aversion des Québécois envers les amérindiens est bien réelle, et que ces derniers souhaiteraient sûrement la justice et le respect…
Quoiqu’il en soit, le livre est court et d’une singulière facilité à lire mais les âmes sensibles sont priées de s’abstenir devant certains passages violents ou traumatisants.
J’espère énormément que mes propos et mes impressions vous donneront envie de lire ce roman et si vous voulez plus de haine et plus d’intrigue, je vous conseille de lire « Le seigneur des porcheries » de Tristan EGOLF qui témoigne cette fois-ci de l’aversion que les Américains blancs ressentes entre eux et de la vengeance remarquable d’un homme que rien ne peut tuer…
Votre fidèle serviteur.
Lud MOUVEROUX, 2nd1