Charmant?

« Ils s’aimèrent et eurent beaucoup d’enfants». Voilà comment se terminent toutes les histoires racontées aux petites filles avant qu’elles ne s’endorment. Une jolie robe blanche, des paillettes, un homme qui les attend sur son beau cheval blanc, un cadre idyllique qui laisse présager une vie paradisiaque… Bien loin de la réalité!

Hou, Hou ! Réveillez-vous! Ça, c’est dans les contes de fées ! L’ histoire ne s’écrit pas aussi simplement que cela ! Ça dépend de « où es-tu née? » et « qui sont tes parents? » ! Parce que des princes charmants, ça court pas les rues… Et encore, quand tu as la chance de le choisir, ça peut passer, mais si, en plus, il est imposé par ta famille, les critères sont loin du profil : « beau gosse, jeune, doux et attentionné ». Aujourd’hui, 12 millions de filles sont mariées de force chaque année. Une fille de moins de 15 ans toutes les 7 secondes, dans le monde. En France, une femme est libre de se marier, elle est aussi libre de refuser le mariage. Selon les articles 16(2) de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen, le mariage forcé est une atteinte aux droits humains fondamentaux, notamment à la liberté et à l’intégrité physique. Pourtant, plus de 70 000 filles sont mariées de force dans notre pays. Un mariage forcé est un mariage, civil, religieux ou coutumier, où l’une des deux personnes ( parfois les deux) a reçu des menaces et est obligée de se marier. Le plus souvent, il s’agit de femmes forcées à se marier à des hommes, parfois de leur propre famille, très souvent plus âgés. Forcément, dès que la femme vieillit, elle est beaucoup moins attirante :il faut les comprendre, ces vieillards, il vaut mieux une belle épouse, bien fraiche, avec la peau douce.

Dans une société « normale », à l’adolescence, si vous n’avez pas de souci particulier, les amitiés naissent entre filles et garçons, c’est le cours naturel des choses de la vie. Mais certains parents ne voient pas d’un bon œil ces rencontres entre filles et garçons. C’est vrai, si on commence à « rigoler » avec un garçon, ça annonce surement une grossesse prématurée (il y a des parents qui n’ont pas eu la chance d’avoir les mêmes cours de SVT que nous) et beaucoup de parents ont peur que leurs filles tombent enceintes avant le mariage. C’est interdit par les religions. Alors pour mettre en « sécurité » leur progéniture, le seul projet qu’ils envisagent est le mariage. Une petite virée en vacances dans leur pays d’origine, pour faire un coucou à la famille, et, en moins de deux, on te passe la bague au doigt. Et c’est ainsi que le conte de fée se transforme en film d’horreur ! Merci la famille, grâce à elle, la jeune fille n’a plus besoin d’aller à l’école, elle joue à Cendrillon, elle se sent moins seule, elle a plein d’enfants dont elle doit s’occuper, très souvent son mari à l’âge de son propre père (c’est rassurant, un homme mûr), elle partage son époux avec d’autres femmes (c’est plus reposant), elle est soumise à des rapports sexuels non-consentis, sans compter les points bleus qui donnent une jolie couleur à sa peau. Au secours !

Déjà que c’est pas simple d’être une fille, mais alors là, c’est carrément un mauvais sort ! En 2021, nous sommes martelés en permanence par la télévision, les réseaux sociaux, les journaux qui révèlent des affaires de viols, de pédophilie, d’incestes. Les femmes sortent de la torpeur et dénoncent leur agresseur, mais, bien souvent, elles sont remises en causes. Combien d’années encore faudra-t-il attendre avant que les hommes respectent le sexe opposé et lui attribue une place égale à la sienne ?

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Bien sur, le sujet des petits filles au Yemen, Nigeria, ou même, sans aller si loin, en France, peut-être même à deux pâtés de maison de chez soi, ça n’intéresse pas grand monde ! De temps en temps, nous avons un réalisateur qui sort un film pour nous rappeler que l’histoire n’est pas réglée. Noces, récemment : c’est l’histoire émouvante de Zahira, une jeune Belge d’origine pakistanaise, confrontée à un mariage forcé, qui a tout pour être heureuse, d’un père prisonnier de sa culture, d’un frère aimant coincé entre deux mondes, d’un drame terrible… Ou bien un metteur en scène, qui donne une lecture contemporaine du Mariage forcé de Molière. Mais c’est bien tout. Cela nous donne bonne conscience, on informe, on avertit, mais cela n’est pas suffisant, apparemment, pour arrêter le carnage. Malgré tout, les mariages forcés sont moins nombreux, depuis quelques années, mais la bataille n’est pas terminée.

Alors, bien sûr, le Prince charmant n’existe pas, ça on s’en aperçoit assez vite, mais est-ce que c’est si difficile d’imaginer un monde ou toutes les petites filles seraient respectées et considérées comme des êtres humains et non pas comme des marchandises ?

Anouk Machado (3ème)