Cet été auront lieu à Paris « les Jeux Olympiques 2024 » : ça tombe bien, on sera en 2024! Cet évènement visiblement bien organisé, attendu par tous les Français comme Mme Hidalgo attendait l’interdiction des SUV dans Paris (non, ne cherchez pas mon SUV sur le parking : je suis venu en vélosolex), cet évènement, donc, débutera le 26 juillet par une cérémonie d’ouverture sur la Seine.
Ce qui veut dire que, le 26, vous pourrez laisser au garage votre SUV polluant, mais aussi votre trottinette électrique : il faudra adopter un mode de déplacement pédestre, et de bonnes chaussures, pour se balader sur les quais, pour se frayer un chemin dans la masse des touristes, pour admirer les agapes sportives sur notre saine Seine débarrassée des immondices sorties de nos toilettes et des vélib’ suicidaires qui s’y précipitent régulièrement. Au milieu de cette cohésion parfaite, dans cet esprit de bonne entente, dans cette fraternité antique portée par la flamme du fond des temps, vous auriez pu ne pas voir les fameuses boites vert wagon, les coffres aux trésors de papier, les cavernes d’Alibaba pour lettrés, les magasins lilliputiens des bouquinistes parisiens.
On a frôlé la tragique disparition d’illustrés, l’incompréhensible éclipse de papiers, le pathétique évanouissement de poèmes, car, même en étudiant la question sous tous les angles, même en se triturant leurs méninges pourtant agiles, même en se pliant en quatre et en s’y mettant à cinq, pas moyen, selon la préfecture de police, d’assurer ma sécurité au milieu des badauds des JO, pendant les 4 heures de cérémonie d’ouverture, sans virer toutes les boites à bouquins. La décision fut donc prise d’enlever, de remiser, de cacher ces coffres à culture. Le Préfet restait sourd à la grogne des parisiens et des bouquinistes, inflexible face aux rappels de la tradition culturelle vieille de presque 5 siècles, fidèle aux ordres de l’Elysée et, accessoirement, à cette punchline de Clémenceau rappelant que « les fonctionnaires sont comme les livres d’une bibliothèque : ce sont les plus hauts placés qui servent le moins » (pertinence plus forte encore : dans les boites vertes, tous les bouquins sont à portée de main). Mais le manque de personnels de sécurité, entrainant la baisse de la jauge du public accueilli et la réduction du périmètre de sécurité, a fait trembler l’autorité : les gros bras (manquants, certes, mais gros bras tout de même) sauveraient-ils la littérature et la connaissance?
C’était sans compter sur notre super héros, notre président virevoltant, notre Macron à toutes les sauces : le 14 février, jour de Saint-Valentin, il annonce que les boites à livres des quais ne seront pas touchées, pas déplacées, pas planquées : un cadeau à sa Brigitte de prof, un présent au passé historique de ces marchands presque ambulants, une gracieuseté à la beauté des livres. Pendant tout l’été, nous pourrons vaquer à nos quêtes de pages, pister la perle rare des fictions, traquer l’édition originale, et, qui sait, tomber sur cette phrase de Charles Asselineau, dans L’Enfer du bibliophile, qui rappelle que « c’est sur les quais que se forment les collections impossibles, que se ramassent les riens qui valent de l’or », et il ne parlait pas de médaille olympique, ce parisien lettré qui fréquenta beaucoup les quais, et Baudelaire aussi, dont il publia dans une édition rare et posthume des œuvres complètes qui dort peut-être dans une boite verte, et n’attend que vous…
Jehanne BORDE & Aurore NEVOUX (3ème)