La morale! Du discours répété uniforme entendu depuis tout petit, aux valeurs essentielles et personnelles qui fondent nos vies, c’est un mot qui subit bien des modes, qui a été banni souvent du discours public, qui revient aujourd’hui au-devant de la scène, et pas seulement politique, puisqu’un metteur en scène de génie, Joël Pommerat, a eu l’excellente idée d’adapter un célèbre texte de Carlo Collodi, écrit à la fin du XIXe siècle : Les Aventures de Pinocchio! Dans nos bibliothèques familiales, dans nos salles de cinéma, et maintenant au théâtre, ce pantin est partout!
Imaginez-vous au XIXe siècle, au moment où l’Italie traverse une crise économique profonde (non, pas celle d’aujourd’hui…), où la misère s’installe durablement chez le plus grand nombre : Collodi réalise des feuilletons, pour amuser les enfants, car son texte, au départ, n’est fait que pour le rire, avec ce Gepetto bagarreur et grognon, qui se bat régulièrement pour des histoires de couleur de perruque, et ce pantin menteur, moqueur et insolent, qui veut tout et tout de suite, qui veut être riche, mais sans travailler! Les personnages plaisent, aux petits comme aux grands; Pinocchio devient le symbole de l’enfant qui, en grandissant, à travers des mésaventures rocambolesques, doit trouver la voie du bonheur et de la dignité. La Fée reviendra à plusieurs reprises dans le texte, comme autant de rappel à la morale…
Joël Pommerat a gardé l’esprit du conte : tout au long de la pièce, nous retrouvons un personnage qui tisse un fil narratif, qui introduit les scènes, comme autant d’épisodes du feuilleton. Le personnage de Pinocchio, interprété par une Myriam Assouline tour à tour insupportable d’orgueil et touchante de sensibilité, croise des personnages aux allures de renard et de chat, qui font frémir. La fée, magique et aérienne dans la mise en scène, tient un discours moral, avec une touche de poésie. Le monde de Gepetto est actualisé : la carriole qui emportait Pinocchio aux Pays des Nigauds est devenue l’arrière d’un camion de transport de marchandises (un rappel au transport d’immigrés clandestins,trompés et embarqués vers le Pays des Nigauds moderne?); le théâtre de marionnettes qui, dans le texte de Collodi, va happer Pinocchio et le détourner de la route du travail et de l’école est, lui, devenu une scène de concert un peu artificielle (quelque émission de téléréalité?); d’autres ne changent pas, car ils existeent toujours au XXIe siècle, comme ce champ, au Pays des Miracles, dans lequel on plante quelques pièces, et qui ferait pousser en une nuit un arbre couvert de milliers de pièces…
Certains épisodes du texte de Collodi ne nous semblaient pas pouvoir être joués sur scène : « Comment pourrait-on représenter, au théâtre, le ventre du poisson géant qui va recracher Pinocchio et Gepetto en pleine mer? ». La magie du théâtre peut tout : nous avons vu, sur scène, un océan à vous couper le souffle (et à vous donner le mal de mer!) : des vagues, du roulis, du vent. Nous avons eu la chance de rencontrer, après la représentation, l’assistant du metteur en scène, et notre première question a été de lui demander comment il pouvait faire cela! « Très simple, a-t-il répondu : un peu de fumée, un peu de lumière, beaucoup de jeu d’acteur, et la magie opère! »
Alexia Peyrard, Quentin Bouyssou, Jonathan Arnaud (6ème)