Marre de revoir en boucle La vie est belle ou La rafle? Nostalgique des films poignants qui vous font verser une larme? Alors, amateurs de théâtre, Otto, Autobiographie d’un ours en peluche est une pièce faite pour vous. À défaut de vous faire comprendre l’allemand, la compagnie O’Navio vous fera découvrir la Seconde Guerre mondiale, avec un angle d’attaque pour le moins original.
Ils sont quatre, armés uniquement de plus d’une vingtaine de marionnettes, de quelques boites accrochés les unes aux autres et d’un escalier en carton. Et c’est tout? Oui, c’est tout ! Choisissant le drôle de personnage qu’est Otto, un simple ours en peluche, les comédiens manipulants différentes marionnettes retraceront son parcours singulier à travers six décennies. Son histoire commence en 1938 lorsqu’il est offert à un jeune juif, et retrouvé par l’ami de ce dernier en 1942, puis par un soldat des Alliés. L’album pour enfant de Tomi Ungerer a pris, dans cette adaptation dramatique, une tournure singulière avec l’arrivée des marionnettes de la compagnie!
À grand renfort de musiques toutes plus somptueuses les unes que les autres, les différents propriétaires d’Otto nous transporterons, tant les scènes sont poétiques ou, au contraire, criantes de vérités. La toute première scène, par exemple,où les lumières s’allument en nous dévoilant tous les ours dans ce « mur de boîtes », est magnifique; mais également la dernière, particulièrement émouvante et qui ne pourra pas vous laisser insensibles. Si les personnages ne disent rien – ou seulement quelques mots en allemand façon « yaourt » -, les émotions parlent d’elles-mêmes. L’univers du rêve et de l’enfance sont également représentés, apportant une touche de douceur à ce contexte éprouvant de la déportation, des camps de la mort, de la guerre. La scène de l’entreprise de peluche, au début de la pièce, dénonce simplement l’antisémitisme ordinaire des années trente, les gens qui souriaient à cette barbarie naissante qu’ils ne comprenaient pas, et montre le désarroi de ceux qui, eux, voyaient déjà le monstre à l’oeuvre.
Les musiques, très importantes, contribuent énormément à l’immersion du spectateur. La scène de la rafle du premier propriétaire d’Otto, David, en 1942, révèle également une utilisation particulière du jeu de lumières, avec de simples lampes de poches. La parole inexistante est parfaitement remplacée par l’utilisation maitrisé des éléments techniques : le problème du texte d’origine, particulièrement court dans l’album pour enfants de Ungerer, n’est finalement pas un souci, mais plutôt un atout pour l’imagination et la créativité de la compagnie. Il aura fallu plus d’un an pour confectionner toutes les marionnettes de la pièce ! Et, bien évidemment, quatre acteurs assez fous pour incarner tant de personnages qu’ils paraissent se dédoubler. Mais le résultat est là. Et il n’attend que vous !
Sara DUMAS (3ème)