La Grande Guerre et l’Amour

Lorsque le petit fils d’Alphonse Chémery publie un échange de plus de 800 lettres entre deux amoureux ( ses grands-parents ) pendant la Grande Guerre, mettant fin à des décennies de secret respectueux, le recueil épistolaire Alphonse et Marguerite porte un sous-titre évocateur : « Un amour épistolaire dans la tourmente de la Grande Guerre »…

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C’est après la mort d’Alphonse en 1980 que ces lettres ont été « découvertes » : elles étaient soigneusement rangées mois par mois dans 2 cartons, c’est un de leurs petits enfants qui a décidé de publier l’essentiel de cette relation, bravant ainsi un secret bien gardé, car cette correspondance passionnée avait été conservée pendant près d’un demi-siècle dans une pièce interdite de la maison familiale des Chémery.

C’est une histoire d’amour épistolaire dans le tourment de la Grande Guerre, une correspondance ininterrompue de 800 lettres entre deux personnes, Alphonse CHEMERY (1888 – 1980) et Marguerite DE LIMAL, veuve TAILLIEZ (1891 – 1929). Alphonse est un très bon ami de Robert (le mari de Marguerite), ils se sont connus lors d’un service militaire à Saint-Quentin entre 1907 et 1910. Tout les deux sont mobilisés pour la guerre en août 1914 dans des unités différentes.

Après plusieurs lettres envoyées à Robert restées sans réponse, Alphonse, inquiet, lui renvoie une ultime lettre en lui priant de lui donner de « bonnes nouvelles ». C’est quelques jours plus tard qu’il reçoit en réponse une lettre écrite de la main de Marguerite (femme de son ami Robert) annonçant le décès de celui-ci mort au combat  de Champlon le 11 octobre 1914.

Tous deux vont entretenir une relation épistolaire entre décembre 1914 et février 1919, ils s’entretiennent de faits quotidiens, de leurs santés respectives, des projets qu’ils forment : la quantité de lettres prouve qu’elles sont envoyées dans un laps de temps très court, un peu comme des textos! Au déluge d’obus qui tombent sans cesse semble répondre ce feu croisé de mots prudents et passionnés. Marguerite s’excuse et  justifie ses propos éventuellement anodins par la relation forte que tous deux ont eux avec Robert. Dans ces courriers c’est à lui qu’elle parle, à ce mort, à travers Alphonse. Elle ne s’en cache pas. Alphonse, lui écrit : « nous n’oublierons pas les absents, notre réunion est leur œuvre ».

Suite à ces courriers Alphonse finit par rendre visite à Marguerite… Ils se marient en 1919 (peu après la fin de la guerre), il va s’occuper de Coco (le fils de Marguerite et de son ami Robert) comme son propre fils.

On apprend, au détours de cette correspondance passionnelle et passionnante, des détails historiques sur cette période de la Grande Guerre : il existe une communauté d’hommes et de femmes, pas affectés du tout par la guerre, qui passent leur été au bord de l’océan, menant une vie très plaisante, alors que les poilus souffrent l’enfer dans les tranchées. Marguerite s’oppose à ça : « Si vous voyez les devantures des commerçants » écrit-elle dans une de ses lettres, On n’y voit que des produits dehaut luxe[…] et tout cela se vend, car chaque jour les étals sont renouvelés. Il en est de même des fourrures, des produits de beauté, des effets et du linge fin.Et dire que tout ce luxe est payé avec le sang des soldats. C’est avec l’argent sur les obus que les nouveaux riches entretiennent leurs grues sur des pieds de princesse. O, que la vie est triste, quand on examine la misère des uns et le luxe des autres! »

Mais leurs sentiments résisteront à tout, et quand sonne l’armistice, Marguerite prédit qu’un an plus tard ils seront « deux vieux mariés bien sages », savourant la paix. À nous maintenant de savourer leurs précieux mots!

Jade FAYE (3ème) et Romane SAULE (5ème)