Au Chili, un mouvement de renouveau bouleverse le pays , inverse les rôles, cherche à « détricoter les clichés » : des hommes ont développé un loisir peu commun chez la gente masculine : ils tricotent!
Ils vivent au Chili, sont directeurs d’agence, vendeurs, kinés, nutritionistes et s’abandonnent tous à leur activité favorite : le tricot. De 26 à 42 ans, le collectif « Los Hombres Tejedores » (les « Hommes qui tricotent ») se réunit chaque mois, sur une place publique ou dans un parc, munis de leurs pelotes roses fuchsia, pour promouvoir un projet original, mais prometteur : lutter contre les clichés entre les sexes. Depuis près d’un an déjà, ils sont une dizaine de tricoteurs engagés et passionnés, suivis et soutenus par des milliers d’autres qui adhèrent à ce mouvement via les réseaux sociaux, au-delà même des frontières du pays. Le Chili n’est pas le seul pays qui s’engage sur la voie du tricot : à Montevideo en Uruguay, à Bogotá en Colombie ou encore à Mendoza en Argentine, sont organisées de grandes parades festives sur le thème du tricot. « Los Hombres Tojedores » ne font aucune différence sexiste : ils donnent des cours de tricot aux hommes… et aux femmes.
Ce petit pays aux avancées économiques stables, au chômage presque inexistant et aux finances saines peut avoir de nombreux atouts, sauf pour l’égalité des sexes, qui reste un de ses plus gros problèmes. La communauté chilienne est très fermée. Le rôle des hommes et des femmes est bien définis et cela depuis la nuit des temps. Les activités des femmes sont dites « faibles » et uniquement réservées à celles-ci. Donc, un homme muni d’une pelote de laine en plein milieu d’une rue est très mal vu, voire même dangereux pour ce dernier qui peut être agressé et traité de « faible ». Les problèmes de sexismes et de machismes sont un réel problème au Chili. Les femmes, pourtant plus nombreuses que les hommes (8 millions d’hommes pour 9 millions de femmes) ont un parcours défini dès leur enfance : le devoir d’être belle, l’infériorité sociale, l’inégalité au niveau de leurs revenus : un même travail est moins bien récompensé s’il est exécuté par une femme. Et pourtant, l’espoir est une réalité : au Chili, le président est une femme.
Leur objectif : en finir avec les stéréotypes sexistes. Les hommes peuvent tricoter et lire les romans à l’eau de rose et les femmes peuvent aimer le foot et boire de la bière. Avec leur collectif, « los hombres tejedores », ils interrogent le concept de la masculinité. Ils souhaitent l’affirmer sous une nouvelle forme « plus aimable », « tendre », « tolérante » et « fraternelle ». Pour lutter contre ces stéréotypes homme-femme, des hommes de plusieurs pays différents décident, à la veille de la fête des mères, de repasser dans la rue. Au Québec, à Montréal, en Allemagne et dans de nombreuses villes en France comme Paris, Lyon, Marseille et bien d’autres encore. L’association « Zeromacho » a repensé autrement la fête des mères, offrant à chaque maman un cadeau finalement original et touchant : des hommes munis d’une planche à repasser et d’un tas de vêtement en plein milieu d’une rue, repassent joyeusement : c’était en 2015. Gérard Biard, Patrick Jean et Frédéric Robert sont les fondateurs et porte-paroles de cette association qui veut vaincre l’image médiocre que peut porter la femme. Ils disent « NON ! » à la prostitution, mais disent oui à la liberté et à l’égalité.
Il y a quelques années, personne n’aurait pu envisager que cette activité du tricot puisse être mixte. Les machos diront que le tricot est une affaire de filles. Pourtant, ce ne fut pas toujours le cas : cette activité était une véritable profession masculine au XVème siècle; mais, avec, l’industrialisation du textile, le tricot perdit son prestige et retourna dans la sphère domestique : devenu un art mineur, les hommes l’abandonnèrent aux femmes. Dans nos pays, l’enseignement du tricot et des travaux d’aiguilles fut rendu obligatoire pour les filles, car on considérait que ses « vertus » convenaient particulièrement aux femmes : immobilité, patience, concentration… Alors que, suite aux différents conflits armés (de la guerre franco-prussienne de 1870 aux deux guerres mondiales), on préféra exalter chez les garçons des idéaux considérés comme « virils »: mouvement, force, agressivité.
Aujourd’hui, les « hommes qui tricotent » doivent se frotter à de nombreux clichés, mais leurs pelotes roses montrent la voie!
Lisa DARRIN & Enora BARRUEL (pour le texte)
Lysandre JANDARD (pour le PiouPiou)