Depuis le 21 février, c’est un désastre : la librairie Sydney Laurent de Saint-Lurent-du-Var, mise sous placement judiciaire, a dû jeter 60 tonnes de livres, soit 43 000 bouquins, pour 1 300 m2 de local, ce qui représente 200 000 euros jetés par la fenêtre. On a vu des ouvriers balancer dans la rue des tonnes de livres neufs, des œuvres complètes voler jusqu’à une benne à ordures, des recueils de poésie dont les vers aller bientôt rejoindre les vers…
Ce spectacle de rue est évidemment inacceptable, choquant, déplorable, scandaleux, et n’est pas sans rappeler ce qui a failli se passer dans la préparation des J.O, à Paris, avec cette décision de la préfecture de police de retirer les boites vertes des bouquinistes des quais de Seine : des milliers de livres engloutis, de 570 boites démantelées, plus de 230 bouquinistes dépouillés .
Vous vous dites : on le voit venir, avec son goût étrange pour les vieilles feuilles sentant le champignon et les gros pavés sans images, il va encore tout critique, tout démolir, tout conspuer! Vous vous trompez lourdement, car vous ne soupçonnez la finesse de mon raisonnement, la légèreté des mes pensées, la grâce de ma créativité!
A l’instant m’est venu une idée…Et si nous faisions un proposition à notre ministre une nouvelle épreuve pour ses J.O (non, je précise, ce n’est pas une faute : ses JO, avec deux s, parce qu’il ne faut pas non plus se laisser emporter par l’émotion que fait naître légitimement le doux son de ma voie, ce ne sont pas mes JO), ses JO, donc : une sorte de triathlon, avec course de vitesse vers les boites vertes, gros biceps pour forcer les cadenas, et lancer de livres! Le lancer de livres : une épreuve bientôt reine dans toutes les capitales qui se respectent, qu’elles aient ou non déjà pratiqué des autodafés littéraires.
Allez, hop, un exemple de jet de livre : l’athlète qui a réussi a fracturé une boite à livres et à mettre la main sur Les Misérables, de Victor Hugo (Mme la ministre des sports et ex ministre de l’éducation nationale sera sensible à mes efforts pour concilier ces deux casquettes), celui-là aura une arme de poids pour dégommer un des nageurs dans la Seine. Car là est le génie : on ne se contente pas de balancer Gavroche dans la flotte, de noyer Cosette dans les eaux usées, d’engloutir Jean Valjean en place publique, non, on joint l’utile à l’utile : plus on coule d’athlètes nageurs, plus on marques de points! Evidemment, celui qui n’aura réussi qu’à faire main basse sur Claude Gueux, s’il aurait intérêt à lire ces maigres pages à quelques excités du voile imposé, réalisera que le poids des mots n’est pas qu’une expression…
Comme Pierre de Coubertin aurait pu le dire : l’important n’est pas de déclamer, mais de bien viser!
Elsa LACAMBRA & Mickael PERIERA (3em)