Noir & Noir

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Avec l’écriture de ce roman, Titan Noir,  l’auteure dénonce avec force, conviction et émotion la souffrance des animaux marins en captivité, notamment celle des cétacés. Un roman à charge contre la captivité, contre toutes les captivités.

Le récit retrace l’histoire d’une orque mâle majestueuse, capturée dans l’océan et arrachée à sa mère : Oscuro (rebaptisée Titan pour qu’on l’oublie…) change de parc, plusieurs fois, après avoir tué ou blessé des humains. Comme c’est un reproducteur qui rapporte beaucoup d’argent, il n’est pas euthanasié. L’argent semble plus important que la vie.

On peut être surpris au départ, quand on ouvre le livre. En effet, la narration alterne entre deux voix : sur les pages blanches, la voix d’Elfie, jeune diplômée qui devient un peu par hasard la dresseuse de Titan; sur les pages noires, celle d’un mystérieux narrateur, qui suit Titan dans chacun des parcs, et n’a aucune pitié pour les hommes, sur pages noires. L’auteure a volontairement voulu créer un contraste entre la « dresseuse » et le « visiteur ». Elfie, elle, est enthousiaste et pense que l’amitié entre les hommes et les animaux est réelle et qu’ils sont heureux dans le parc, malgré des manifestants qui dénoncent régulièrement leurs conditions de vie; la plupart de ces animaux n’ont connu que la captivité, comment pourraient-ils être malheureux? Au fil du roman, elle va devoir affronter la dure réalité, jusqu’à ne plus supporter son travail en apprenant le calvaire et la souffrance des cétacés en captivité. De l’autre côté, dans les pages noires, c’est un récit bien plus sombre et terrifiant sur la réalité vécue et ressentie par les cétacés, où l’on devine de la tristesse, du remord, de la haine.

Titan souffre, traîne sa détresse et sa haine envers les humains tout au long du roman. Si certaines orques se résignent, lui va se rebeller. Ce ne sont pas tant les hommes qui sont brutaux, c’est la captivité en elle-même. Une petite femelle, au désespoir, pour échapper à la captivité,  se tue dans d’atroces souffrances : «Elle prenait les deux ou trois mètres d’élan qu’elle pouvait prendre, et elle venait frapper son crâne contre la paroi. Ca a duré des heures. »

Malgré une fin positive et assez ouverte, c’est un roman bouleversant et captivant qui interpelle le lecteur sur la condition animale dans les parcs océanographiques où le spectacle de divertissement repose sur la captivité et la souffrance des animaux. C’est une lecture assez dure, émotionnellement, mais elle est utile car, encore aujourd’hui, des cétacés sont captifs, privés de quelque chose d’élémentaire : la liberté.

Florence Aubry est une professeure documentaliste et une écrivaine française spécialisée dans la littérature pour la jeunesse. Titan Noir est une fiction, mais elle est très largement inspirée de l’histoire vraie de l’orque Tilikum, capturée dans l’océan et qui a tué trois personnes durant sa captivité. C’est en voyant le documentaire qui lui fut consacré, « Blackfish », que l’auteure, à jamais bouleversée et traumatisée, a voulu dénoncer, elle-aussi, avec ses armes, ces pratiques barbares.

Une lueur d’espoir pour l’amélioration des conditions de captivité de ces animaux a eu lieu avec l’arrêté du 3 mai 2017 qui interdisait leur reproduction et améliorait leurs conditions de vie. Mais cet arrêté a été annulé par le conseil d’état le 28 janvier 2018 après un recours des parcs français. Espérons que, pour que les choses changent, le gouvernement français suivra l’exemple du Canada qui a validé une loi le 10 juin 2019 interdisant la captivité et l’élevage de cétacés. Cette décision a été saluée par les militants des droits des animaux.

Lana Meilland (3ème)

 

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