Le droit à l’avortement : son histoire en France et son actualité en France et à l’international :
Nous pouvons nous demander comment et dans quelles circonstances le droit à l’avortement a pu avoir lieu en France légalement 1975. En effet, avant cette date, les femmes souhaitant interrompre une grossesse non-désirée, devaient le faire de façon clandestine. Elles faisaient appel a des « faiseuses d’anges », ou des médecins. Les 4 méthodes les plus répandues étaient :
→ Enfoncer un objet pointu dans l’utérus de la femme pour tuer le fœtus en essayant de le piquer, de détacher le cordon ombilical du placenta
→ Mettre des plantes ou du piment pour empoisonner le fœtus.
→ Consommer des produits toxiques tels que du pétrole, des produits d’entretiens ou des pesticides. Cette méthode était l’une des plus efficaces certes, mais laissait de graves séquelles à la femme.
→ Prendre des médicaments comme de l’aspirine car une dose pour une femme de 50kg, par exemple, est extrêmement plus élevée que ce qu’un fœtus pourrait ingérer sans danger. (Il est très dangereux d’ailleurs de prendre un médicament comme de l’aspirine pour une femme enceinte)
→ Donner des coups dans le ventre, de tomber à plat ventre. Cette méthode était assez pratiquée car elle était accessible à toutes et gratuites.
Mais quel évènement a permis progressivement une loi permettant d’avorter légalement dans de meilleures conditions ?
Le procès de Bobigny, qu’est-ce que c’est ?
En 1971, Marie-Claire CHEVALIER est une jeune fille âgée de 16 ans, vivant chez sa mère Michèle et ses 2 sœurs dans la banlieue parisienne. C’est une famille très modeste. En effet, leur mère est une employée de la RATP et ne gagne donc pas beaucoup d’argent.
En août 1971, un ami de Marie Claire, l’invite faire la fête chez lui, écouter de la musique. Son ami a en fait d’autres intentions, et il la viole.
Marie-Claire cache son viol.
Quelques temps après, elle se rend compte qu’elle n’a plus ses règles, elle comprend alors qu’elle est enceinte. Elle le dit donc à sa mère qui lui proposa de l’aider à l’élever, mais la décision de Marie-Claire était ferme : elle ne gardera pas l’enfant. Sa mère décide de se mettre hors la loi et va l’aider à avorter.
A cette époque, la loi de 1920 considère l’avortement comme un crime. Le sujet est extrêmement tabou.
Marie-Claire, n’ayant pas assez d’argent pour aller dans un pays où avorter légalement est possible comme en Suisse, fit donc appel en premier à un gynécologue. La somme que ce praticien demande, équivalait à 3 mois du salaire pour Michèle. Ne pouvant le financer, Marie-Claire fit appel au géniteur, lui explique sa situation. Il rejette toute sa faute sur elle. Elle n’a donc plus le choix, elle est obligée de demander à une « faiseuse d’ange ». 2 de ses collègues lui donnent l’adresse de l’une d’entre-elles. Cette dame demande bien moins d’argent. Elle lui enfonce une gaine électrique que Marie Claire garde pendant 15 jours. Durant une nuit, elle se tord tellement de douleur qu’elle est hospitalisée ; la gaine s’était infectée dans l’utérus de Marie-Claire. Finalement, elle a avorté mais à quel prix.
Quelques temps plus tard, le géniteur se fait arrêter pour vol de voiture. C’est alors qu’il dénonce l’avortement clandestin de Marie-Claire pour qu’il puisse être relâché. Un policier vint chez Michèle qui reconnait cet avortement clandestin. Marie-Claire et sa mère doivent passer devant le tribunal pour avoir commis un « crime ». Pour l’heure, elles doivent rapidement trouver un avocat.
En juillet 1971, Le mouvement « Choisir La cause des femmes » est fondé par Gisèle HALIMI et Simone DE BEAUVOIR qui défend la dépénalisation de l’avortement.
Photographie de Gisèle HALIMI lors d’un meeting juste après le procès de Bobigny, 20 minutes, 1972
C’est alors que Michèle trouve le livre Djamila Boupacha écrit par Gisèle Halimi. Ce livre raconte le témoignage de Djamila Boupacha une militante algérienne violée et torturée par les soldats français. La mère et la fille décident donc de contacter Gisèle Halimi qui accepte de les défendre gratuitement. L’avocate admire la détermination. Elle sait que Marie-Claire et Michèle ne sont pas fautives. C’est un problème de loi (loi de 1920).
Lors du procès en octobre 1972, Maître Halimi a pour objectif de faire du cas de Marie-Claire, une affaire emblématique de l’injustice de la répression, qui s’abat en priorité sur les jeunes femmes issues de milieux défavorisés : ces dernières, en effet, n’ont pas les moyens d’aller avorter à l’étranger. Le procès doit être jugé à huit clos ce qui limite la médiatisation du procès. Gisèle Halimi parvient néanmoins à mobiliser plusieurs dizaines de militants et de militantes, qui manifestent le 11 octobre sous les fenêtres du tribunal pour enfants de Bobigny, aux cris de « Libérez Marie-Claire ! » ou encore « L’Angleterre pour les riches, pour les pauvres ! » En tout, ce sont quelques 250 personnes qui répondent à l’appel de Choisir la cause des femmes.
Photographie de l’extérieur du tribunal lors du procès de Bobigny, LAGBD, 1972
A l’intérieur du tribunal, les slogans se font entendre. Maitre Halimi insiste sur la jeunesse de Marie-Claire mais elle dénonce aussi les inégalités sociales en matière de répression de l’avortement. En effet, les femmes aisés peuvent avorter dans de bonnes conditions médicales et sans aucun risque de recours a la justice dans des pays où l’avortement est légal comme en Suisse ou en Grande-Bretagne alors que les femme plus modestes sont obligés d’avorter illégalement dans de très mauvaises conditions chez une faiseuse d’ange au risque de ce faire prendre, d’être dénoncé et donc d’être jugé et de finir en prison. Finalement Marie-Claire est relaxée. Il reste encore le procès de sa mère jugée comme complice, et des 2 collègues qui ont donné l’adresse de « l’avorteuse » et de la faiseuse d’ange.
Gisèle Halimi prépare ce procès. Elle monte tout un stratagème en demandant l’aide de plusieurs grands témoins – professeurs de médecine, philosophes, hommes politiques – qui n’ont pas de lien direct avec l’affaire en jugement de venir pour dénoncer publiquement la loi contre l’avortement.
Gisèle Halimi propose ce stratagème, le 4 novembre 1972 lors d’une réunion commune de Choisir la cause des femmes et du MLF mais la majeure partie des militantes s’opposent au fait qu’il y ait des hommes et en particulier des « grands témoins ». En effet les militantes souhaiteraient qu’il n’y ait uniquement des femmes témoignant anonymement leur avortement clandestin, et montré au juge qu’elles sont fières de ce qu’elles ont fait.
Finalement, Maître Halimi maintient ce qu’elle a prévu de faire et au matin du 8 novembre 1972, lors du second procès, qui ne déroule quant à lui pas à huit-clos, ce sont d’abord les quatre accusés qui témoignent. Plusieurs femmes et même des chrétiennes affirment que le droit d’avorter doit être possible et ne doit pas être interdit.
Ensuite, ce fut au tour des autres personnes présentes dans le tribunal, dont les grands témoins, de témoigner. Ils élevèrent donc leur voix pour dénoncer la répression de l’avortement. Plusieurs médecins affirment que si une femme serait venu le voir pour avorter clandestinement, il aurait accepter car avorter doit être un droit.
Finalement, Michèle est condamnée au paiement de 500 francs d’amende avec sursis. L’avorteuse, quant à elle, devra aller en prison 1 an. Les 2 femmes qui ont donné l’adresse de l’avorteuse seront relaxées.
La loi Veil :
A la suite du procès de Bobigny, Simone Veil qui est la 1ère Ministre de la santé femme sous le président de la République Valéry Giscard D’Estaing, souhaite rendre l’avortement légal. En effet, le droit à l’avortement est un droit indispensable aux femmes car on devrait toutes pouvoir décider d’être mère quand on le souhaite. Le 26 novembre 1974, elle présente alors son projet devant l’Assemblée nationale.
Simone Veil souhaite, en appliquant cette loi, dépénaliser l’Interruption Volontaire de Grossesse pratiquée avant la dixième semaine durant 5 ans pouvant être pratiquée sous conditions cumulatives comme :
→ situation de détresse ;
→ délai de grossesse inférieur ou égal à 10 semaines
→ intervention réalisée par un médecin dans un établissement d’hospitalisation.
→ réalisation de démarches obligatoires pour informer la femme enceinte et lui laisser un temps de réflexion
→ volonté de la femme, confirmée par écrit
Simone Veil souhaite également légaliser l’Interruption volontaire de Grossesse pour Motif thérapeutique, pouvant être pratiquée que dans certaines conditions :
→ graves problèmes de santé pour la femme enceinte, ou forte probabilité que l’enfant soit atteint d’une maladie incurable.
→ sans délai, l’intervention peut être pratiquée jusqu’au dernier jour de grossesse.
→ intervention doit être réalisée par un médecin dans un établissement d’hospitalisation.
Voici un extrait de son discours :
« Je le dis avec toute ma conviction : l’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issue. Mais comment le tolérer sans qu’il perde ce caractère d’exception, sans que la société paraisse l’encourager ?
Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme — je m’excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d’hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes.
C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame.
C’est pourquoi, si le projet qui vous est présenté tient compte de la situation de fait existante, s’il admet la possibilité d’une interruption de grossesse, c’est pour la contrôler et, autant que possible, en dissuader la femme. »
Extrait du discours de Simone Veil, Ministre de la Santé, le 26 novembre 1974, à l’assemblée Nationale.
Cette loi va être l’objet de débats. En effet, certains présents dans l’assemblée vont s’opposer à cette proposition de loi comme le député Jean Foyer.
Finalement, au bout de 25 heures de débats, la loi est adoptée le 29 novembre 1974, à 3h40 du matin. Grâce à la majeure partie des députés du parti de gauche et du centre et de quelques députés de droite, la loi a été acceptée par 284 voix contre 189 (votées essentiellement par les députés de droite.
La loi est donc promulguée le 17 janvier 1975. Elle est d’abord appliquée pendant 5 ans puis le 31 décembre 1979, elle est reconduite sans limite de temps.
Mais qu’en est-il depuis en France ?
Depuis la loi Veil, le droit à l’avortement n’a fait qu’évoluer en France :
– En 1999, la pilule du lendemain est mise en vente librement.
– En 2001, la loi Aubry du 4 juillet 2001, permet aux femmes de pouvoir avorter jusqu’à la 12ème semaine et non plus la 10ème. Elle supprime également l’autorisation parentale pour les mineures.
– En 2013, le président François Hollande, permet le remboursement intégral de l’Interruption Volontaire de Grossesse.
– En 2022, la loi allonge une nouvelle fois le délai pour avorter le faisant passer de 12 semaines à 14 semaines de grossesse.
Quelles sont les actualités concernant l’IVG dans le reste du monde ?
Nous ne sommes pas sans savoir que dans certains pays l’avortement est encore illégal ou pratiqué que dans certains cas. Voici donc cette carte qui nous montre le statut légal d’avortement au niveau mondial en juillet 2022 :
Carte représentant le droit à l’avortement dans les différents pays du monde en juillet 2022, Center For Reproductuive Rights, 2022.
Sur cette carte, nous pouvons constater qu’en Europe l’avortement est légal partout sauf dans quelques régions de pays (comme en Italie), et en Pologne. En effet, la Pologne a autorisé et rendu gratuit l’IVG de 1956 à 1993, mais depuis 2020, ce n’est plus autorisé.
En Asie, la majorité des pays centraux et du Nord légalise l’IVG. A l’inverse, les libertés des femmes dans les pays du Sud sont beaucoup plus limités. En effet, au Laos, au Myanmar et en Afghanistan, l’avortement est interdit et en Inde et au Pakistan il est seulement légal pour des conditions socio-économiques et de santé.
Dans le moyen Orient, aucun pays autorise complètement l’avortement. Il est légal pour des raisons de santé en Arabie Saoudite et en Jordanie et dans le reste, il est interdit.
En Australie et Novelle Zélande, les femmes ont totalement la possibilité d’avorter mais en Indonésie et Papouasie-Nouvelle-Guinée, ce droit est impossible.
Nous observons également que le continent africain n’autorise que très peu d’avortements, à cause de moyens médical très restreints ou alors à cause de gouvernements contre cela.
En Amérique du Sud, nous constatons que des pays riches comme le Chili ou le Brésil interdise totalement l’avortement ou juste des conditions d’extrêmes urgences. Le Pérou, la Bolivie et l’Équateur autorise l’IVG seulement pour des raisons de santé. Seul la Colombie, la Guyana, la Guyane, l’Uruguay et l’Argentine légalise l’avortement.
Enfin, nous pouvons voir qu’au Canada, l’avortement est totalement légal, mais que les États-Unis sont représentés à la fois de vert et de rouge qui correspondent au fait que l’IVG est à la fois légal et illégal. Mais pourquoi ?
En effet, le 24 juin 2022 , la Cour suprême a rendu la liberté aux 50 états des États Unis, d’interdire l’avortement dans leurs territoires. Quels états se sont emparés de cette possibilité et quels sont ceux qui n’ont pas voulu retourner en arrière en interdisant ce droit fondamental ?
Carte représentant le droit à l’avortement dans les différents états Américains, Le Monde, 30 juin 2022.
Nous pouvons voir qu’au 30 juin 2022 soit 6 jours après la loi, déjà 18 états américains ont profité de ce droit, 5 étaient en train de l’interdire, 3 étaient dans en position incertaines, et que seulement 24 états ont laissé ce droit fondamentale et indispensable possible aux femmes américaines.
Cette loi provoque un énorme retour en arrière pour les Etats-Unis, c’est pourquoi de nombreux rassemblements ont eu lieu avant et après le 24 juin 2022.
Manifestation contre la loi pour abolir l’avortement, La Matinale, 23 juillet 2021
Nous pouvons aussi nous demander pourquoi ce retour en arrière peut avoir un aspect tragique. En effet, les Etats-Unis ont commencé par supprimer cette liberté féminine mais cela veut dire qu’ils peuvent encore en supprimer davantage et donc les Etats-Unis deviendraient un pays moins libre ; ils pourraient devenir un pays avec plus d’aspects négatifs que positifs.
Enfin nous pouvons être amenés à nous demander quel est le rapport avec le Développement Durable. Il faut donc savoir que l’Organisation des Nations Unies formé en 1945, a crée en septembre 2015, 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) pour défendre les droits fondamentaux pour TOUS et TOUTES.
Tableau des 17 ODD de l’ONU
Les ODD impliqués dans les droits des femmes et en lien avec cet exposé sont :
- L’ODD 3 qui est celui d l’accès au bien-être et à la santé. En effet, notamment le droit à l’avortement est un droit qui permet aux femmes de rester en bonne santé physique et aussi psychologique = le bien-être.
- L’ODD 5 concernant l’égalité entre les hommes et les femmes. Ce droit n’est pas toujours respecté notamment dans le monde du travail. En effet, les salaires sont souvent différents suivant si on est une femme ou un homme, mais aussi dans le monde sportif. En effet, notamment au football le salaire d’une femme est très inférieur à celui d’un homme. Ce ne sont bien évidemment pas les seules inégalités (accès à l’éducation, libertés…)
- L’ODD 16 qui se rapporte à la paix, la justice et l’institution efficaces. Nous voyons que la justice n’est pas toujours la même selon les pays, ou selon les époques, si l’on est une femme ou homme et l’on est riches ou avec des moyens plus précaires ; comme en France, dans les années 70, lors de l’époque du procès de Bobigny.
Je souhaiterais conclure cet article par une citation de Simone VEIL, car même si elle présentait ces « 3 défauts », elle s’est toujours battue, non pas pour elle mais surtout pour les autres et en particulier le droit des femmes.
« Face au milieu au conservatisme très marqué, je présentais le triple défaut, d’être une femme, d’être favorable à la légalisation de l’avortement et, enfin d’être juive ».
C’est une femme remarquable de par son chemin de vie, par les combats qu’elle a menés mais aussi par ses valeurs qu’elle nous présente dans son autobiographie, UNE VIE. Merci à elle !
Pour aller plus loin :
Le procès de Bobigny : (6) Le procès de Bobigny – YouTube
L’histoire de Simone Veil: Autobiographie UNE VIE
Liens des recherches :
Procès de Bobigny — Wikipédia (wikipedia.org)
(6) Le procès de Bobigny – YouTube
Les procès de Bobigny 1972 pour avortement, Gisèle Halimi | vie-publique.fr
Mémoire : Un hommage national pour Gisèle Halimi prévu début 2022 aux Invalides (20minutes.fr)
Le procès de Bobigny : La cause des femmes (fr) – La GBD
TEXTE – Le discours de Simone Veil en 1974 à l’Assemblée nationale (bfmtv.com)
Loi Veil — Wikipédia (wikipedia.org)
Le droit à l’avortement | ivg.gouv.fr
Le droit à l’avortement | ivg.gouv.fr
Le droit à l’avortement et son histoire : depuis l’Antiquité, un (très) long combat (sudouest.fr)
IVG en France : histoire et dates clés de l’avortement – SO’CUP (socup.fr) Loi 2 mars 2022 renforcer droit à avortement délai porté à 14 semaines | vie-publique.fr
En Afrique, plus de trois quarts des avortements seraient non sécurisés (francetvinfo.fr)