Une identité v(i)olée

Si on vous annonce que 94% des auteurs d’agressions sexuelles sont des hommes, êtes-vous étonné ? Chanel Miller, victime d’un de ces hommes monstrueux, témoigne dans un livre poignant qui montre que la société entière doit s’interroger sur sa propre culpabilité.

En 2015, dans la nuit du 17 au 18 janvier, une jeune femme est retrouvée inconsciente et déshabillée dans le campus de Stanford, près d’une benne à ordures. Chanel Miller s’était rendue à une soirée universitaire avec sa jeune soeur : elle se réveillera à l’hôpital, sans souvenirs : elle comprendra petit à petit ce qui lui est arrivée pendant la nuit. Chanel Miller n’a jamais vraiment eu l’occasion de s’exprimer durant le procès: mise en cause par la presse et l’opinion publique, qui l’accuse d’avoir provoqué l’agression par sa tenue (« Qui aurait l’idée de mettre une jupe en hiver? ») ou son comportement ‘ »Elle était ivre! »), on l’a cachée, pour la protéger, comme c’est l’habitude aux Etats-Unis,  derrière le nom d’emprunt d’Emily Doe, durant toute l’enquête. Six ans après les faits Chanel décide alors d’écrire un livre intitulé J’ai un nom : elle raconte l’histoire de son viol par un étudiant que la justice et la presse ont défendu.

« Les dégâts sur moi sont internes, ils ne se voient pas, je les porte avec moi. Tu m’as volé ma valeur, mon
intimité, mon énergie, mon temps, ma sécurité, ma vie privée, ma confiance, ma propre voix… jusqu’à aujourd’hui » (Lettre de Chanel Miller adressée à son agresseur www.buzzfeednews.com )

© End Rape/Facebook www.konbini.com

Son agresseur, Brock Turner, est arrêté par deux passants, près de la scène de crime : jugé, il a été condamné à six mois de prison (la loi prévoit 6 à 14 ns d’emprisonnement pour les violeurs!) : le juge ne voulait pas que son emprisonnement ait un impact négatif sur la carrière de ce sportif au « visage d’ange » promis à un bel avenir. Il en effectuera seulement trois, libéré pour « bonne conduite… À l’université d’Indiana, l’année suivante,  alors qu’il a commis deux viols, John Enoch, un jeune étudiant, n’est condamné qu’à une seule journée de prison! De nombreuses manifestations, mais surtout le mouvement MeToo, ont permis de faire bouger les lignes : les juges craignent de plus en plus de perdre leur poste si leurs jugements, trop laxistes et trop soucieux de ménager les fraternités étudiantes américaines (de puissantes associations d’étudiants), sont pointés du doigt par une population de plus en plus révoltée contre l’impunité dont jouissent encore ces monstres violeurs.

Lola Marlier, Eda Oruk, Inès Messaoudène, Lola Goncalves-Estrade (3ème), pour le texte – Zoé Maniak (3ème), pour les Pioupious