Il y a d’abord le silence. Ce silence qui en dit long sur l’arrêt du monde. De celui que l’on ne pouvait entendre que un roman de science-fiction. Je le reconnais malgré tout, c’est celui que l’on perçoit lorsque la nuit est venue déposer, sur le paysage, des flocons de neige et que l’espace d’un moment les déplacements cessent.
Puis, l’oreille s’habitue, et, si l’on écoute attentivement, on peut alors entendre la vie dans les chants d’oiseaux. Ceux -là se moquent bien du confinement, ils sont même heureux de la place qu’on leur donne. Ils se font entendre, échangent, discutent, sans périmètre de sécurité. Ils se méfient, malgré tout, des chats rôdeurs qui sont de plus en plus nombreux sur les routes et dans les jardins : normal, il n’y a plus de voitures qui circulent, la place est à eux.
Mais le soleil du printemps a pointé son nez, alors les humains sortent de leur tanière et s’occupent du silence pour faire un pied de nez à leur ennui. Alors ils tondent leur jardin, en espérant que la pluie vienne bientôt et que l’herbe grandira vite à nouveau, pour leur offrir l’opportunité de retondre, très vite. Ils sortent leur machine à bricoler : raboteuse, perceuse, disqueuse, tout ce qu’ils peuvent pour discuter avec le silence. Néanmoins, d’autres humains choisiront du son plus harmonieux. Ils mélo-disent, vocalisent, arpègent et font danser leurs pieds aux rythmes des musiques qu’ils playlistent sur leur smartphone. J’appartiens à ceux-là.
Un matin, je suis tirée de mon sommeil, par une voix de femme que je ne reconnais pas. J’écoute attentivement pour essayer d’identifier la provenance. Cette voix ne me procure aucune peur, mais son étrangeté m’interroge. Je ne suis pas en mesure de comprendre ce qu’elle dit, le son est robotique et le rythme de son élocution est mécanique. J’entends alors la voix de mon père qui semble lui répondre. Rassurée, je bondis de mon lit pour m’approcher de la source. C’est alors que je comprends la situation : mon père a téléchargé une application pour apprendre l’anglais! La dame lui demande « Repeat after me. I like coffee. », et mon père tente de répéter : « i laïke café », « No, I like coffee »… Cela dura le temps d’une matinée. Mon père parle portugais; pour l’anglais, il faudra attendre de longs mois de confinement.
Mes oreilles, jours après jours, sont moins inquiètes, elles se sont habituées aux nouvelles perceptions. Elles s’installent et les surprises se font rares. C’est dommage…
Anouk Machado (4ème)