Suite à une annonce de la rédaction, qui s’excusait d’avoir publié un de ses dessins, Xavier Gorce annonce sa démission du Monde : on n’y lira plus les remarques piquantes des Indégivrables.
Le mercredi 20 janvier 2021, Xavier Gorce fait parvenir sa démission auprès du Monde. Accusé en masse sur les réseaux sociaux de « banaliser l’inceste » ou de tenir des propos « insultants envers les transgenres », il préfère quitter le journal. Mais ne nous y trompons pas : ce n’est pas par culpabilité qu’il décide de mettre un terme à sa carrière au Monde, mais par principe. En effet, le Monde a annoncé, par le biais de leur rédactrice Caroline Monnot, que le dessin de Xavier Gorce traitant de l’affaire Duhamel « n’aurait pas dû être publié ». Et pour cause : un nombre conséquent d’internautes avaient réagi avec animosité à ce dessin qu’ils jugent trop choquant et insultant pour leurs yeux délicats. Parmi eux, des abonnés du Monde et des lecteurs fréquents qui menacent de se désabonner ou de se désintéresser du journal, ce qui promettait, bien sûr, de beaux trous bien béants dans les poches du Monde… Indigné, à juste titre, par cette annonce, le dessinateur démissionne : le Monde bafoue la liberté d’expression en s’excusant pour son dessin sous la pression de ses lecteurs en colère. Si personne n’avait réagi, tout aurait été pour le mieux dans le meilleur des mondes, et le journal n’aurait probablement pas fourni d’excuse. Ainsi, l’avis du public compterait plus que la liberté du dessinateur?
Les lecteurs, pas les mêmes, répliquent : d’autres abonnés accusent non plus Xavier Gorce mais le Monde qui bafoue la liberté d’expression des journalistes. Parfois, les fervent combattants de l’injustice sont les mêmes que ceux qui avaient interprété le dessin de Xavier Gorce comme insultant, et qui ont réfléchi, un peu, depuis… Ainsi, une collaboration de 19 ans prend fin entre le Monde et le dessinateur, précipité par le manque de courage d’un rédactrice en chef devant la déferlante de lecteurs qui ne savent pas toujours lire.
Car le dessin publié n’avait rien de choquant. Comme tout dessin de presse, il était à prendre au second degré. L’illustration en question représentait deux pingouins, un plus jeune et un plus âgé, le premier questionnant : « Si j’ai été abusée par le demi-frère adoptif de la compagne de mon père transgenre devenu ma mère, est-ce un inceste ? » Un discours qui se référait directement à l’affaire Duhamel, et qui, remis dans son contexte, n’aurait pas dû choquer. En effet, il faisait référence à l’accusation de Camille Kouchner, fille de l’ancien ministre, envers son beau-père Olivier Duhamel. Celle-ci dénonçait les agressions sexuelles dont a été victime son jumeau, par le célèbre politologue. Avec ce dessin, Xavier Gorce est loin de dénigrer le crime qu’est l’inceste ni de le banaliser, tout au contraire. Il pose la question d’où s’arrête la dénomination d’inceste et, par ce biais, insinue que là n’est pas réellement l’important. En effet, lors d’une affaire de cette gravité, ce n’est pas la dénomination de la faute qui devrait revêtir une importance capitale, mais la faute en elle-même. Le nom employé ne change rien à l’acte. On oublie souvent mais, le rire et la moquerie peuvent être partisans de la vérité. Ainsi, les pingouins à la réplique facile de Xavier Gorce sont un moyen de s’exprimer et de partager un point de vue. Parallèlement, le dessin n’insulte pas les transgenres.
Bien que l’altercation ait été pleine de remous, elle n’aura pas été vaine ! Désormais, les dessinateurs sauront qu’il faut accompagner chaque dessin d’une explication composée de mots simples et compréhensibles pour en expliquer le but : ce n’est plus du dessin de presse… L’accompagner d’un avertissement : « attention choquant », lorsque c’est trop complexe à comprendre sans source d’information solide? Ce serait prendre les lecteurs pour des idiots, non? Ce que ne sont pas les lecteurs du Monde, du moins pas tous.
Marie Lefèvre (3ème)