Un jeune homme, nommé Antoine, d’environ vingt cinq ans, végétarien, vivait avec sa femme, en Corrèze. Lors d’une sortie au zoo, il gagna le droit d’aller nourrir le loup. Tout se passa très bien au départ, jusqu’à l’arrivée d’un énorme loup blanc. Il rappela à Antoine un loup qui l’avait attaqué à l’épaule lors d’une randonnée en forêt avec son père. Terrifié, Antoine tourna le dos à l’animal et celui-ci en profita pour lui sauter dessus. Le loup le mordit de nouveau à l’épaule, puis s’enfuit. Antoine fut transféré à l’hôpital. Depuis cet après-midi, sa vie ne fut plus jamais la même.
Deux semaines passèrent, mais Antoine n’allait pas mieux pour autant. Il souffrait d’horribles maux de ventre, comme si son estomac était toujours vide. Sa femme lui conseilla d’essayer de manger de la viande : depuis qu’ils se connaissaient, elle tentait de changer son régime végétarien. C’est ce qu’il fit. Peu à peu, la douleur s’atténua, puis elle disparut.
Ensuite vinrent les problèmes pileux. Sa barbe repoussait à une vitesse phénoménale, il était obligé de se raser deux fois par jour. Il se mit également à lire les Fables de La Fontaine, à les dévorer avec passion, ce qui fit plaisir à sa femme car la lecture n’était pas la grande passion d’Antoine, encore moins la poésie et les textes classiques. La fable qu’il appréciait le plus était « Le loup et l’agneau ». Curieusement, la seule viande qu’il mangeait était de la viande d’agneau.
Trois semaines plus tard, Antoine fut pris d’une forte rage de dents. Au début il ne fut pas inquiet : cela lui arrivait fréquemment; ce n’est que lorsque le dentiste eut observé avec effroi sa dentition, qu’il comprit qu’il avait une croissance exagérée des canines.
Plus le temps passait, plus Antoine restait enfermé dans son bureau, à lire. Il ne voyait sa femme que le soir, lorsqu’elle allait se coucher. Pour finir, l’homme ne sortit plus que la nuit, et, durant ces nuits, d’étranges idées lui venaient en tête. Il lui prenait soudainement l’envie d’égorger un mouton, de s’habiller de sa peau et de se cacher à l’affut d’une victime.
Lorsqu’il trouvait un mouton, il lui sautait sur le dos et obligeait sa victime à le porter devant sept églises différentes avant le lever du soleil, sinon l’animal mourait. Avant l’aube, il rentrait chez lui, tout sanguinolent. Il dormait quelques heures et, à son réveil, il retournait à son bureau. De là, on pouvait entendre d’étranges grognements et des bruits de grattement contre la porte, comme si un gros chat se faisait les griffes. Tous les soirs au moment de tuer le mouton, un mot résonnait dans sa tête : Lycanthrope. Obsédé par ce mot, il fit des recherches, découvrit qu’il signifiait loup-garou. Il comprit alors: le goût pour la viande, ses canines qui grossissaient, ses actes nocturnes; il était sous l’emprise d’une malédiction.
Il en parla à sa femme qui, morte de peur, le quitta. Antoine continua encore quelques temps ses sorties nocturnes, mais il mourait de chagrin. On le retrouva pendu, dans son bureau, un recueil des Fables ouvert sur une illustration montrant un loup souriant.
