Craie Blanche

Trois jours dans un train rempli d’hommes étrangers, qu’il ne comprend pas. Il regarde le paysage : de grands bâtiments sombres et tristes! Dans son village, il y a de grands champs de blé chaleureux et de hautes herbes colorées.

Au guichet de la gare, l’homme au tampon, petit, trapu et blanc, l’avait dévisagé, interrogé, l’avait questionné et lui avait demandé ses papiers. Il avait fini par comprendre ce que ce type fantomatique voulait de lui : ses papiers présentés et tamponnés, il put enfin pénétrer dans la gare.

Devant le train et les grandes voies ferrées, il resta béat. La machine était immense et soufflait une fumée grisâtre qui lui rappela la fumée des fourneaux de la grande ville, à côté de chez lui. « iouqruop ? Iouqruop iom, am ellimaf ? ». Ces questions trottent dans sa tête depuis longtemps. Cela fait un mois qu’il cherche : aucune trace, pas la moindre nouvelle.

Trillo - Risso

À la pension, les interrogations des gens autour de lui reprennent, toujours aussi sibyllines. Il utilise des signes pour tenter de se faire comprendre de ces gens qui aboient. On le comprend tant bien que mal, on lui indique la chambre 137, sous les toits. Sa chambre! c’est vétuste, sale et petite : une chambre d’esclave. Il se douche, met un bel habit et sort. La clarté de la lune le rassure. Il entre dans un bar et lâche les seuls mots appris: « svous plait », puis, d’un geste, montre qu’il veut à boire.

– Qu’est ce que tu fais ici ? C’est dans les champs que tu dois être, pas là !

Le verre arrive, enfin. Un verre, deux verres, trois verres. Cela fait beaucoup. Le serveur le sert avec toujours autant de mépris :

– Allez, va travailler, craie blanche!

Il continue à boire.

– T’es sourd?

Il boit encore. Le serveur s’échauffe et le jette dehors. Il a trop bu pour se défendre et rentre à la pension, tant bien que mal. Sur sa paillasse, il somnole : des images sombres l’assaillent. Un visage flotte : celui d’une fille, sa fille; puis la nuit, la pluie, la peur et des cris, toujours les mêmes. Un frisson le prend. Les paroles lui reviennent : « edia a »

Laura Seigne (3ème – 2011/2012)

L’intégrale FULU