L'Homme-de-Noir

Je pris une profonde inspiration. Il était tard, très tard. La nuit régnait déjà sur la ville depuis au moins trois heures. Il fallait que je me dépêche. Je vérifiai une fois encore n’avoir rien oublié. Tout était en ordre. J’attrapai un long manteau à capuchon que je rabattis sur ma tête

Le travail de ce soir était différent des autres, et un mauvais pressentiment persistait, me rendant de plus en plus nerveux. Cela faisait déjà plusieurs jours qu’on m’avait obligé à m’occuper de cette besogne. Le choix ne m’appartenait pas, jamais. L’Homme-De-Noir connaissait les risques. Il m’avait convoqué dans son bureau, signe de l’importance de la mission. Cette fois, pourtant, il n’avait pris le temps de me rappeler ma soumission par ses sarcasmes. Sa main tremblait légèrement à mon entrée dans la pièce, ce qui m’avait étonné.

Je me tirai de ses pensées idiotes. Le sentiment de révolte revenait, mêlé comme toujours à une haine cuisante. Il fallait que je reste calme, du moins ce soir. Après, je pourrais laisser libre court à ma colère.

Francis Bacon

Je pénétrai silencieusement dans la forêt. Les arbres projetaient des ombres immenses et effrayantes sur les routes. L’obscurité ne me gênait pas. Au contraire.

Je fis attention à tous mes gestes, pour rester silencieux. Je marchai encore dix minutes avant de parvenir à la clairière. Étrangement, celle-ci était lumineuse comme en plein jour. Elle dessinait un cercle parfait de lumière.

La femme se tenait en son milieu, assise sur une énorme pierre lisse. Elle patientait dans une attitude impassible. Cela devait faire un moment qu’elle m’attendait. Je détestais être en retard.

La femme tourna la tête dans ma direction, signe qu’elle savait que j’étais arrivé. Surpris, je m’avançai à sa rencontre. Elle ne changea pas de position ni d’expression en essayant en vain d’apercevoir mon visage. Elle découvrit le sien. Une cascade de cheveux presque blancs encadrait une figure parfaite. Deux yeux vert émeraude me fixaient intensément. Sa bouche finement dessinée esquissa un petit sourire triste. Elle savait ce qui l’attendait.

« Je suis venue, lâcha-t-elle simplement.

– Vous n’aviez pas le choix, rétorquai-je, insensible à sa beauté.

– Puis-je au moins voir votre visage ? »

J’hésitais un instant avant d’acquiescer. Je relevai ma capuche. A ma vue, elle réprima un frisson d’horreur. Elle m’observa quelques instants avant que je ne cache à nouveau mon visage dans l’ombre.

Je me saisis d’une petite dague. Je voulais vite en finir. La femme ne bougea pas qu’imperceptiblement avant que je ne lui tranche la gorge d’un geste vif. Ses yeux se fermèrent, son corps s’affaissa, mais resta à sa place, abreuvant la pierre du sang qui s’en écoulait.

Je me détournai. Il me restait encore une chose à faire.

Maeva Richard (3ème – 2008/2009)

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