Feuilles tombantes, arbres jaunissants, rares averses de pluie, traits tristes sur les visages des passants : toujours le même scénario, quand revient l’Automne. Malgré ce temps, je me sentais, à ce moment précis, plus libre que triste. Pourquoi? Je n’en avais aucune idée, ou plutôt aucun souvenir.Assis à une fenêtre blanche, ancienne et délabrée de cet hôtel si familier, je n‘avais aucune inspiration. Tout à coup, je pris la décision d’aller m’installer au rez-de-chaussée, dans le salon de thé. Je savais que je serais dérangé par les commérages des femmes âgées, mais, qui sait, peut-être pourraient-ils me donner de l’inspiration. Vulgairement posé près de cette table en bois, sentant l’odeur du tilleul et de la verveine menthe, j’entendis des craquements sur le parquet usagé. Au rythme des pas, je compris que c’était ma grand-mère. Sa petite voix frêle confirma mes suppositions, et elle me rappela vite pourquoi j’étais venu ici, rue du Flocon, à Paris.
« Hein, petit galopin, tu nous fais quelque chose de bien, hein !
– Ouais, Ouais, je te promets Mémé …
– Mais, j’espère bien, avec toutes ces dettes, trois avocats différents, et toute cette peine, tu ne sais pas ce que c’est, toi, de perdre son enfant, ça se voit ! »
La haine montait en moi, mais, ne pouvant rien dire, je me tus. Cela faisait bien des années que je l’avais remboursée ma dette, mais cette vieille aigrie en profitait. Bon , il fallait s’y mettre : devrais-je plutôt faire une nouvelle, un roman policier? Aucune idée. En observant le paysage environnant, cet objet, accroché au mur de la pharmacie, cette croix verte clignotante attira ma vue. Par réflexe, je regardai les petites lampes, scintillantes à l’intérieur, qui affichaient, 18/10/1972, 18h30. Je cherchais, 18 octobre, 18 octobre, 18 octobre … Boule à la gorge, cœur plein, anxiété, il me fallut, tout de même plus de trois minutes pour réaliser. Nous étions le 18 octobre 1972 : dans ma tête, retour en arrière, dix ans plus tôt, le 18 octobre 1962. Tout revint à la surface, et l’idée fut une évidence : j’allais faire une auto- biographie. Mais devrais-je débuter par ce qui s’était déroulé le 18 octobre, jour spécial, ou par le 22 décembre, jour de mon procès.
Devrais- je commencer par « Non, je t’en supplie, ne me … » prononcé par Louisiane, suivi de « Faites rentrer l’accusé, Monsieur Régis Desin, présumé auteur de l’assassinat »? Ou bien par « En ce jour de 22 décembre, rue de la Croix-Blanche, dans le deuxième arrondissement de Paris, je proclame M. Désin, innocent »? Que devrais- je choisir ? Dix ans après, une envie de recommencer me prit… Mais, après m’en être sorti, par miracle, une première fois, était-ce vraiment prudent ? Il ne restait plus qu’une seule personne dans ma famille, ma vieille pie de grand-mère… Assez tentant hein?
Amélie Rouhaud (3ème – 2011/2012)