Paradis végétal

Mon souvenir le plus lointain est mon futur le plus proche.

J’ai passé une partie de ma vie au milieu des plantes. Le jardin de mon arrière-grand-mère, que je connaissais si bien, m’était pourtant un inconnu : chaque fois que je m’y rendais, je retrouvais un sentiment de nouveauté.

Les saisons y étaient pour quelque chose, bien sûr : elles modifiaient entièrement la végétation, en fonction de leurs humeurs : les feuilles se détachaient, forcées par le souffle de l’automne, et  recouvraient le sol humide. Je voyais, à travers ce tapis vert, le tableau de l’école zébré de craie jaunâtre. Heureusement, l’été et le printemps arrivaient à grands pas, et rapportaient avec eux les couleurs emportées par le froid. Ce verger était gardé par des parcelles de vigne qui s’étendaient jusqu’aux châteaux voisins. Elles se tenaient droites comme des soldats prêts à intervenir en cas de danger. Juste à côté, les pruniers, les cerisiers et les pommiers se dressaient, droits et imposants.

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© Marc Chagall – L’arbre de vie (détail de Adam et Ève chassés du Paradis)

J’aimais beaucoup nos parties de cache-cache, entre les haies qui servaient de refuge aux insectes : avec mes frères, nous les observions se déplacer entre les épaisses branches; il nous semblait voir Paris, avec ses milliers d’individus qui traçant leur route sans but précis, et nous étions fiers de cette comparaison qui nous semblait un joyau de la littérature!

Le joyau de ce jardin était ma fierté : le potager! Le miracle, en un si petit emplacement d’accueillir cet océan de légumes. Malgré sa petite taille, je le trouvais incroyablement bien entretenu et organisé : c’est d’ailleurs pour ça que nous devions éviter de nous y aventurer… Un lieu interdit, donc irrésistible!

Ce lieu de verdure n’a pas changé. Il continue sa floraison chaque saison et invite encore les mêmes habitants des haies à s’y loger. Je fais surtout très attention de ne pas perturber l’habitude qu’il a prise, au fil des ans, de me surprendre sans même bouger.

Je lui dois ma passion des plantes. Ce domaine qui a toujours attisé ma curiosité est devenu mon refuge. Je n’ai jamais souhaité faire autre chose, de toute ma vie. Aujourd’hui, je crée de nouvelles espèces de plantes dans mon laboratoire. Je suis devenue une botaniste mondialement reconnue, mais je n’espère qu’une chose : qu’un enfant, demain, sourit au paradis végétal qui m’émerveille à jamais.

Emma MEHAYE (3ème)