A Paris, le 9 janvier 2030
Cher Monsieur Mathieu,
Je vous écris après plusieurs années de silence, pour vous faire part d’une incroyable nouvelle !Vous souvenez-vous de Claudine Desgorces, une élève que vous avez eu au collège pendant deux années? Je suis devenue écrivaine à la suite de mes études de Lettres et, cette année, à ma grande surprise, j’ai reçu le prix Goncourt grâce à mon tout premier roman que j’ai écrit sur l’adolescence. Les critiques ont jugé mon récit très original, au style particulier, avec des personnages sont attachants. J’ai bien conscience que ce prix fait rêver tous les auteurs et je ne réalise toujours pas qu’on me l’ait attribué! Et tout cela grâce à vous, qui avez fait de moi une lectrice ! Grâce à vos conseils que je garde toujours en tête, je suis devenue plus persévérante et assidue dans tout ce que j’entreprends ; j’ai maintenant une imagination qui n’a pas de limite et, par-dessus tout, vous m’avez donné un goût extraordinaire pour la lecture et l’écriture. Cela m’accompagne toujours et me donne envie de persister dans la voie que j’ai choisie et qui n’a pas toujours été facile.
Vous m’avez transmis toutes ces vertus de la littérature en un seul jour, en un seul cour pour être plus précise. Ce jour-là, tout le monde était stressé, moi plus que les autres, car on devait passer devant la classe pour la fameuse lecture expressive. Je vais vous décrire la scène pour vous la rappeler parce que vous avez dû l’oublier, depuis ce temps-là. Le livre, c’était Les Hirondelles de Kaboul de Yasmina Khadra et le passage que j’avais choisi était le moment où Zunaira dit qu’elle ne veut pas se plier aux règles des talibans. J’avais sélectionné ce passage parce que les mots qu’elle utilisait étaient forts et son combat me touchait. Jusque-là je pensais que la littérature n’était qu’un divertissement; tout à coup, j’ai compris qu’elle avait le réel pouvoir de dénoncer les injustices et les inégalités. Quand vous m’avez appelée pour que je passe au tableau, mes jambes et ma voix tremblaient au fur et à mesure que je continuais à lire mon texte. Vous m’avez ensuite demandé d’aller dans le couloir pour que je sois plus à l’aise, et effectivement je l’étais. C’est à cet instant que j’ai aimé lire, et les années qui ont suivi n’ont jamais démenti ce coup ce foudre. Vous connaissant, vous allez être modeste et me répondre que vous n’avez fait que votre travail de professeur. Mais je vous assure que votre détermination à faire de vos élèves des lecteurs a marché sur moi, et m’a même inspirée.
Je vous suis donc reconnaissante pour tout ce que vous avez mis en œuvre auprès de vos élèves et je vous dédie mon précieux prix qui, je l’espère, n’est que le premier d’une longue liste.
Je vous adresse toute ma gratitude.
Claudine Desgorces