L'oiseau étouffé


Quatre murs blancs pour un lieu de souffrance, totalement inconnus, qui deviendront mes amis les plus fidèles, enferment le fruit d’un amour inconditionnel.

Mes doigts usés, se déformant en un bois abîmé par les secousses de l’océan; le son de ma voix éraillée, s’épuisant dans la douleur du manque de souffle : un parcours de douleurs pour arriver à la gloire. Imparfaitement parfaites, les notes ne me paraissaient trop sourdes, je tapais du pied à m’en briser les os pour trouver le rythme parfait de ma musique, les yeux clos, tentant de dissoudre cette fâcheuse mélodie qui hantait mon âme. Jusqu’à ce qu’elle explose et détruise sur son passage toute ma motivation. Je m’arrêtais, me penchais sur l’instrument du délit, et attendais. Mais qu’attendais-je en réalité ? La fin de ce fléau de misère musicale, qui rôdait autour de moi comme une tornade, emportant avec elle le reste d’émotion de chaque battement ?

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© Martignac « Concert en Lumière » (Peinture acrylique sur papier, 15×15 cm)

Chaque jour, chaque heure, chaque seconde, elle était là. La mélodie me riait au nez, tandis que j’essayais de m’en détacher. Les unes après les autres, les notes du piano plantaient leurs griffes à l’intérieur de mes pensées, pour ne plus jamais s’en retirer. Les touches plantaient leurs épines dans ma chair, brûlaient le bout de mes doigts, chaque note trop aiguë étouffant l’oiseau bloqué au plus profond de ma gorge, crissant mes cordes vocales. Je puisais, sans cesse, dans mes forces, pour continuer.

Continuer, assumer, finalement arriver dans cette salle, aujourd’hui. Je lève la tête de cette page de souvenirs grisée de mot. La salle est vide, pour le moment, j’ai pourtant la sensation d’être observée. Du conservatoire à la salle de concert, je retrouve la même sensation qu’auparavant. Devant le micro, les lumières vont se tamiser, les touches seront plus douces, les sons se feront plus délicats, pour apaiser le bruit de mon succès. Vivre, continuer.

Lisa DARRIN (3ème)