Sandra La-Couette-Pik se hâtait. « Foutu suaire » répétait-elle. La boulangerie devait ouvrir à 8h15 précisément. Comme chaque matin, les habitués venaient réclamer leur ration de croissants et de chocolatines chaudes pour le petit déjeuner. Elle avait presque fini la cuisson, lorsqu’elle entendit les cris de ses clients qui commençaient à s’impatienter. A 8h20, elle passa dans la boutique et ouvrit la porte. Elle avait beau s’excuser de ces cinq minutes de retard, les clients affamés râlaient encore et toujours.
Après cette dure journée, Sandra avait le teint pâle, elle était épuisée, fatiguée, exténuée. Chaque soir, elle rendait visite à sa mère malade. Ensuite, elle rentrait chez elle, mangeait peu et se plongeait dans ses livres. Dans son petit appartement, elle avait réservé « un coin bibliothèque » pour y ranger tous les romans, et en particulier les romans fantastiques.
La veille, alors qu’elle dévorait un livre, elle tomba sur le mot « suaire ». Elle ne prêtait même plus d’attention aux clients comme si ce mot s’était emparé de cette femme. Trois jours passèrent et chaque nuit, elle faisait des rêves étranges : elle était dans un labyrinthe, de grands voiles blancs flottaient dans les airs…Le réveil sonnait et la tirait du lit.
Ce matin-là, le téléphone de la boutique sonna. Son visage devint blême et elle sanglota. Quarante-huit heures plus tard, elle assistait à la levée de corps de sa mère, désemparée. On recouvrit le visage sans expression de la défunte d’un voile blanc. Sandra se mit à suffoquer : elle ne distinguait plus que le linceul. Ses yeux roulaient, elle était paralysée et elle s’effondra sur le sol. Elle faisait une crise d’épilepsie.